Émeutes de 2005
De l’huile sur le feu des banlieues ? (6-42)

Jean-Baptiste Rivoire

Le 9 novembre 2005, dans le quartier Toulousain de La Reynerie, des policiers surveillent une voiture en feu (photo: Georges Gobet/AFP)

En 2005, depuis la place Beauvau, Nicolas Sarkozy " montre les muscles " face aux quartiers populaires : visites surprise avec les caméras de télévision, provocations, rodomontades contre les " racailles " qu'il faudrait " nettoyer au kärcher ", le ministre de l'intérieur est déjà en campagne présidentielle. " Boosté " par la complaisance de certains grands médias, il monte dans les sondages. Jusqu'au mois de novembre 2005, ou une énième bavure policière survenue à Clichy sous bois débouche sur les plus graves émeutes que la France ait connues depuis mai 1968.

Depuis la place Beauvau, Nicolas Sarkozy donne régulièrement l'impression d'être en campagne. À deux ans de la présidentielle de 2007, il stigmatise régulièrement les jeunes issus de l’immigration. Comme d’autres, les caméras de TF1 contribuent à jeter de l’huile sur le feu en relayant sans cesse ses « effets d’annonce », voire ses provocations. Comme le 19 juin 2005. Suite à la mort accidentelle d’un enfant de onze ans, le ministre de l’Intérieur déclare à La Courneuve : « Les voyous vont disparaître. Je mettrai les effectifs qu’il faut, mais nous nettoierons la cité des 4 000. » Quelques jours plus tard, il revient à La Courneuve et assume face aux caméras d’avoir utilisé devant la famille de la petite victime le terme « Karcher » : « Nettoyer au karcher est le terme qui s’impose, car il faut nettoyer cela. » En septembre, il s’insurge à nouveau contre « ceux qui menacent la sécurité des Français », « en premier lieu les gens du voyage, les jeunes de banlieue, les immigrés illégaux ». Le 26 octobre, hué par des jeunes d’Argenteuil choqués de le voir débarquer une nouvelle fois au milieu d’un essaim de caméras, il continue à faire dans la provocation. S’adressant à un habitant à sa fenêtre, il lance : « Vous en avez assez de cette bande de racailles ? Eh bien, on va vous en débarrasser. »

Percuté intentionnellement par un véhicule de police

Mais ce petit jeu qui consiste à humilier les jeunes des quartiers devant les caméras à ses limites. En octobre 2005, alors en poste à 90 Minutes (Canal Plus), j’apprends que cela « chauffe » à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon. Je propose à Paul Moreira et Luc Hermann d’aller enquêter sur place avec mon confrère Saddek Chettab (moi accompagnant " embedded " des policiers d’une brigade anti-criminalité qui chassent les gamins tous les soirs au « flashball », lui côté émeutiers). Saddek apprend rapidement que si des jeunes brûlent des voitures, c’est depuis que l’un d’entre eux, soupçonné de rouler sur un scooter volé, a été blessé lors d’une « frappe », c’est-à-dire percuté intentionnellement par un véhicule de police.

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