Forces de l’ordre : l’hémorragie
La répression a entaché leur image

Un gilet jaune éborgné pose avec des photos de manifestants blessés par les forces de l'ordre lors de la révolte des gilets jaunes à Toulouse, le 2 février 2019 (Photo : Pascal PAVANI/AFP)

Difficulté à recruter, hémoragie de départs, huit ans après les attentats de 2015, qui avaient contribué à redorer leur blason, les forces de l'ordre n'attirent plus. Le maintien de l’ordre répressif privilégié par Emmanuel Macron a-t-il abimé l’image du métier? Avec la réforme de la police judiciaire qui devrait entrer en application au 1er juillet prochain, le problème récurrent du recrutement risque de devenir encore plus aigu. Enquête. 

À compter de juillet, dans chaque département, le gouvernement regroupera sous une unique direction la police judiciaire, la police aux frontières, les services de renseignement et la sécurité publique. Ce placement sous tutelle départementale de services de police judiciaire qui n’obéissaient jusqu’alors qu’à une unique direction nationale est vue comme contre-productive par bon nombre de parties-prenantes. A commencer par les policiers eux-mêmes, qui ont fondé une association, l’ANPJ, pour faire entendre leur voix : « En l’état, cette réforme ne règlera ni la crise des vocations, ni les problèmes majeurs rencontrés par les services dinvestigation de la sécurité publique qui souffrent déjà davoir perdu le sens de leur mission » ont récemment estimé des enquêteurs de la PJ adhérents de cette association, qui fait feu de tout bois contre la réforme. 

Le ministère de l’Intérieur, lui, defend sa politique : « Loin de disparaître, la filière police judiciaire sera renforcée et forte de près de 23 000 personnes, contre 5600 agents aujourdhui au sein de la direction centrale de la police judiciaire (…) Il ne sera pas demandé aux enquêteurs de la PJ de mener les enquêtes actuellement dévolues à la sécurité publique » a fait savoir l’exécutif à un député inquiet du sort réservé aux enquêteurs de la PJ.

Entre 150 et 250 dossiers en souffrance par enquêteur

Il faut pourtant garder à l’esprit que le problème principal des policiers du quotidien (gardiens de la paix…) et des policiers judiciaires (les enquêteurs) est le nombre de procédures à traiter. Tous sont littéralement submergés. Selon l’ex-commissaire divisionnaire Julien Sapori, en Seine-Saint-Denis, par exemple, seraient actuellement en souffrance « entre 150 et 250 dossiers par enquêteur ». 

Et la situation serait encore pire du côté de la sécurité publique. D’après un rapport sénatorial, le stock de procédures en cours au 30 juin 2022 était de 1 552 696 dossiers ! La crainte des limiers de la PJ, qui ne traitent que des affaires qui relèvent du grand banditisme, du terrorisme etc, de se retrouver à exercer le métier d’ilotier est bel et bien réelle. Un bilan mené par l’Inspection générale de l’administration sur cette réforme déjà mise en œuvre Outre-mer et expérimentée dans 8 départements métropolitains ne dit d’ailleurs pas le contraire : « Les effets positifs de la création des directions territoriales de la police nationale sont nombreux (…) Augmentation de la présence sur la voie publique, en utilisant de façon plus rationnelle les personnels disponibles » détaille le rapport publié en janvier dernier.

La police n’attire plus

Augmenter le nombre de policiers et gendarmes est l’une des promesses du candidat Macron. Il s’est aussi engagé l’an dernier à les rendre plus visibles en doublant leur présence dans les rues d’ici à 2030. Pour ce faire, il faut donc recruter, et même recruter en masse. C’est là que le bât blesse. Car en pratique, les forces de l’ordre ont de plus en plus de mal à recruter : « Le 18 juillet 2022, si les écoles de police ont ouvert leurs portes à la nouvelle promotion de policiers adjoints… Ce sont seulement 500 recrues sur les 1016 prévues qui se sont présentées à lintégration » déplore le syndicat SGP FO. 

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