Sous-traitance nucléaire
Comment EDF perd le contrôle des centrales (1-2)

Léa Guedj

La centrale nucléaire de Cattenom, en Moselle, le 12 octobre 2017, après que des activistes de Greenpeace s'y soient introduit pour en démontrer la vulnérabilité. (Photo Patrick Hertzog / AFP)

EDF sous-traite en grande partie l’entretien de son gigantesque parc nucléaire. Il en résulte une perte de savoir-faire au détriment de la sûreté des centrales et de la sécurité des salariés, comme en témoignent plusieurs incidents récents. Cette situation inquiète experts et syndicalistes, alors qu’Emmanuel Macron compte intensifier la production nucléaire et limiter la transparence du secteur en démantelant l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN).

Ce lundi 13 mars 2023, la première séance publique sur le projet de loi adopté au Sénat d’accélération des procédures liées à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et au fonctionnement des centrales existantes s’ouvre à l’Assemblée nationale. Relancer le parc nucléaire français le plus vite possible : c’est le choix du gouvernement d’Élisabeth Borne, opérant un virage total dans la politique énergétique de la France.

Ce faisant, les macronistes renoncent à l’objectif fixé sous François Hollande en 2015 de réduction d’un tiers de la part du nucléaire dans le mix énergétique d’ici 2035. Emmanuel Macron souhaite désormais prolonger les réacteurs vieillissants au-delà de leur durée de vie initiale de 40 ans, et construire six à huit nouveaux EPR 2 [réacteur pressurisé européen]. Un empressement discutable, alors qu’un débat public est toujours en cours. D’autant que la relance du nucléaire va coûter très cher.

" EDF est « confronté depuis dix ans à une panne des recrutements de personnes de qualité »

Henri Proglio, ancien patron d’Electricité de France

EDF pâtit d’une dette abyssale (64,5 milliards d’euros fin 2022), mais aussi d’un manque d’effectifs et de compétences. Résultat : « Il y a aujourd’hui un déficit total dans tous les métiers par rapport aux prévisions de ce qui est nécessaire », s’inquiète en décembre 2022 le président de l’Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk, devant la Commission des affaires économiques du Sénat.

« C’est là que se trouve le principal défi », confirmait Luc Rémont, nommé PDG d’EDF en septembre 2022. Selon lui, la construction de chaque EPR2 mobiliserait 7 500 à 10 000 salariés pendant une longue période. Problème : les chantiers de visites décennales et de « grand carénage » (un vaste programme de rénovation engagé en 2014 pour prolonger la durée de fonctionnement des 56 réacteurs nucléaires français) mobilisent déjà 4 000 salariés par site. La deuxième phase du « grand carénage » vient de démarrer et doit se poursuivre jusqu’en 2028.

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