
Dans « Décroiscience » (ed. Agone), l’historien et journaliste Nicolas Chevassus-Au-Louis réactive la critique d’un monde scientifique pris dans les filets de la militarisation et de l’économie de marché. Déconnectée de la catastrophe climatique à laquelle elle contribue, la recherche doit, selon lui, décroître et produire moins. Mais mieux et vite.
Faut-il arrêter la recherche ou, du moins, la ralentir ? Provocatrice en apparence, la question se pose pourtant depuis au moins un demi-siècle au regard de la perte d’autonomie croissante des scientifiques. En 1972, un discours visionnaire interpellait déjà sur cet enjeu essentiel de la production de connaissances, soumise à des impératifs militaro-industriels. Devant le Centre européen de recherche nucléaire (CERN), Alexandre Grothendieck, l’un des plus éminents mathématiciens français, tenait une conférence intitulée : « Allons-nous continuer la recherche scientifique ? ».
En l’état, pour le chercheur radicalement engagé, c’était non. Le développement de la bombe atomique et la prolifération des centrales nucléaires constituaient pour lui une « véritable menace à la survie de l’humanité, une menace même à la vie tout court sur la planète [qui] n’est pas une situation exceptionnelle, mais une situation de règle ».