Profits, export et grandes cultures : les vraies raisons des mégabassines

mégabassine de Sainte-Soline
La mégabassine de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, en novembre 2023. - © Jean-Jacques Guillet/Bassine non merci

• Cette enquête a été réalisée en collaboration avec le média Reporterre. Elle est diffusée en partenariat avec l’émission La Terre au carré, de Mathieu Vidard, sur France Inter.

Liens étroits avec les exploitations céréalières, export à l’international via le port de La Rochelle... Des documents exclusifs sur les mégabassines des Deux-Sèvres montrent que celles-ci ne défendent en rien une agriculture locale.

La mégabassine de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres) se dresse sur la plaine poitevine comme un château-fort en place de château d’eau. Au-dessus des 2 mètres de talus, une première rangée de grillages surmontés de fils barbelés, un fossé puis une seconde clôture au sommet coupant dont les angles sont coiffés de caméras balayant la D101 qui relie Val-du-Mignon à la nationale. Une surveillance qui ne laisse rien passer : lors de notre visite le 27 novembre dernier, une camionnette de gendarmerie a rejoint notre stationnement devant le portail moins de cinq minutes après notre arrivée pour contrôler notre identité.

Nous sommes loin des promesses du « projet de territoire du bassin de la Sèvre niortaise — Marais poitevin » qui a initié le projet des retenues d’eau, popularisées depuis sous le nom de « mégabassines ».

Une caméra filme les abords de la mégabassine de Mauzé-sur-le-Mignon
Une caméra filme les abords de la mégabassine de Mauzé-sur-le-Mignon, le 27 novembre 2023. © Mathieu Génon / Reporterre

La démarche devait proposer un modèle agricole plus respectueux des milieux et des habitants. Elle s’est muée en une « guerre de l’eau », avec la boue des Deux-Sèvres pour tranchées, des procès en série et une violence institutionnelle et politique culminant aux abords du chantier de Sainte-Soline, le 25 mars 2023 : le déploiement hors de proportion des forces de sécurité et l’usage indiscriminé d’armes de guerre avait blessé, parfois gravement, des centaines d’opposants et opposantes pacifiques. Mais quel projet agricole a-t-on ainsi défendu ?

Notre enquête met à mal les arguments des partisans des mégabassines qui disent défendre une agriculture locale visant à maintenir l’élevage. L’analyse de données administratives, agricoles et économiques montre un lien étroit entre les projets de bassines et une filière céréalière omniprésente dans la région, majoritairement tournée vers le marché international via le port céréalier de La Rochelle, en Charente-Maritime.

Carte des productions de céréales destinées à l'exportation
© Louise Allain / Reporterre

À chaque occasion de communiquer, les membres de la Coopérative de l’eau 79, maître d’ouvrage des bassines, montrent veaux aux yeux tendres, rieuses biquettes et placides laitières. Que ce soit pour un article sur l’usage de l’eau de la mégabassine de Mauzé-sur-le-Mignon ou lors du procès de neuf militants antibassines à Niort le 28 novembre dernier, les responsables du projet appellent systématiquement des éleveurs pour témoigner. Une façon de s’inscrire dans une histoire agricole locale dont se font encore écho certaines appellations d’origine contrôlée (AOP) — Surgères, en Charente-Maritime, baratte son beurre réputé non loin.

La liste complète des exploitants raccordés n’a jamais été fournie. Le seul document faisant référence en la matière est l’arrêté préfectoral du 20 juillet 2020 par le préfet des Deux-Sèvres. Tenant compte du protocole et du jugement au tribunal administratif de Poitiers du 27 mai 2021, ce document liste en annexe 4 les raccordements aux seize bassines autorisées. Pas de nom d’entreprise agricole ici, mais des numéros « BSS », soit les identifiants des ouvrages souterrains d’adduction d’eau. Pour obtenir une liste des entreprises, nous avons croisé ces données avec la liste des prélèvements d’eau établie par l’Organisme unique de gestion de l’eau (OUGC) que Reporterre a pu se procurer.

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