« Pognon de dingue »
Ces milliards d’euros que l’État confisque aux pauvres

Thierry Vincent

La première ministre Elisabeth Borne et le ministre des affaires sociales Etienne Champion lors d'un colloque avec des organisation de lutte contre la pauvreté le 3 novembre 2022 à Paris (photo Bertrand Guay / AFP)

Derrière les sempiternels discours gouvernementaux sur la « fraude sociale », se dissimule un problème d'une ampleur bien plus importante : le non recours aux aides sociales. Méconnaissance de leurs droits, complexité administrative, mauvaise maîtrise du numérique, des centaines de milliers de citoyens ne perçoivent pas les aides auxquelles ils auraient droit. Mais l’exécutif et les grands médias préfèrent cacher sous le tapis ce « pognon de dingue » non réclamé et stigmatiser les prétendus fraudeurs.

Le 8 mars dernier, sur RMC-BFMTV, le porte parole du gouvernement, Gabriel Attal, a fait part de son souhait de durcir les conditions de perception du minimum vieillesse et de certaines prestations sociales. Il souhaite notamment conditionner la perception du minimum vieillesse à une obligation de résidence sur le territoire national neuf mois par an contre six actuellement. Il souhaite aussi rallonger à neuf mois de résidence le délai pour percevoir l'ensemble des prestations sociales, aujourd'hui de huit mois pour les APL et six mois pour les allocations familiales. Ces durcissements annoncés viseraient, selon le porte parole du gouvernement, à "lutter contre la fraude".

https://twitter.com/GabrielAttal/status/1633410369161920513?s=20

Mais lorsqu'on lui parle de la fraude sociale, éternelle rengaine des récents gouvernements, Matthieu hausse les épaules et soupire de lassitude : « dans la vraie vie, obtenir simplement ce à quoi on a droit, c'est un boulot à plein temps . Et encore, il faut quasiment avoir fait l'ENA pour s'y retrouver et comprendre le jargon administratif »

Démêler les arcanes de la bureaucratie, cet ancien agent immobilier de Seine St-Denis en a d'ailleurs fait son métier : il aide les plus démunis, perdus dans le maquis administratif et le harcèlement numérique organisé par les services publics, à obtenir les aides sociales  auxquelles ils ont droit, moyennant « un petit billet » : entre 20 et 100 euros selon la complexité du dossier. « Cela fait quatre ans que je fais ça, explique-t-il. La nounou de ma fille était thaïlandaise. A 69 ans, elle n’avait droit ni au RSA, ni au minimum vieillesse. Il lui fallait une carte de séjour valable depuis 10 ans, elle l’avait depuis 9 ans et 11 mois. J’ai appelé la Ligue des droits de l’homme, ils m’ont trouvé une autre allocation similaire à laquelle elle avait droit. Et de fil en aiguille, j’en suis venu à aider des personnes étrangères, mais aussi Françaises à démêler leurs dossiers ». 

« Pour toucher les aides sociales, il faut avoir les nerfs solides »

Des  anecdotes, cet homme jovial qui dégage une bonhomie sympathique en a à la pelle. Avec une solide culture juridique, il a appris à connaître tous les dédales du maquis administratif français : recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif, appel au médiateur départemental, lettre au préfet, etc… « Mais qui connaît tout ça, et a l’énergie de le faire ? Beaucoup de gens renoncent », constate-t-il. Et pour parvenir à faire valoir ses droits face à l’administration, il faut effectivement avoir les nerfs à solide et une patience à toute épreuve

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