Pédocriminalité médiatique
Quand Matzneff prêchait pour sa paroisse

O. Annichini

Dans les années 1970, l'écrivain pédophile Gabriel Matzneff avait été invité plusieurs fois par Bernard Pivot sur Antenne 2 et il disposait d'une chronique dans Le Monde (photo DR)

Dans les années 1970, Gabriel Matzneff plaidait sans relâche pour un abaissement de l'âge de la majorité sexuelle. Quitte à prendre la défense de personnes incarcérées pour avoir poussé des enfants à accomplir des actes sexuels devant leurs objectifs. Sept ans après mai 1968, ce combat du célèbre écrivain est encore perçu comme libérateur par nombre d'intellectuels échaudés par le rigorisme gaullien de l'après guerre.

Le 12 septembre 1975, Gabriel Matzneff est invité par Bernard Pivot sur le plateau d' « Apostrophes ». C’est une nouvelle émission littéraire qui succède à « Ouvrez les guillements », où René Schérer, le 13 mai 1974, avait  servi la soupe aux petits lardons de son « Emile perverti ». Dans la même veine, Matzneff vient présenter son dernier opus, « Les moins de seize ans » (sorti en librairie un an plutôt). Il s'y rend avec sa petite écolière du moment, Francesca, qui laisse son cartable à l'entrée et pose son petit cul dans le public. 

Le livre étant publié dans la collection « Idée fixe » chez l'éditeur Julliard, Pivot lui tend la perche, les « moins de seize ans », c'est vraiment votre idée fixe ? Matzneff nuance mais confirme : « C'est une de mes idées fixes,  c'est un livre en fait sur l'amour, je crois que tout le monde a besoin d'amour, les vieillards, les adultes, il n'y a pas d'âge privilégié... » Mais dans « ce tout le monde » il estime que les enfants sont une classe à privilégier : « Je pense que les adolescents, les jeunes enfants, disons entre 10 et 16 ans, sont peut-être à l'âge où les pulsions d'affectivité, les pulsions sexuelles, sont les plus fortes, parce que les plus neuves, et je crois que rien ne peut arriver de plus beau et de plus fécond à un adolescent ou une adolescente que de vivre un amour, un véritable amour... » 

Pivot reprend la balle au bond : un véritable amour, mais avec qui ? L'écrivain crache le morceau : « Soit un gars de son âge fort bien (…), mais aussi peut-être avec un adulte qui l'aide à se découvrir soi-même, à découvrir la beauté du monde créé, la beauté des choses et il y a là une richesse absolue. » Et Pivot remet une pièce dans le bastringue, faisant remarquer à son invité que les enfants qu'il pratique semblent particulièrement doués pour la liberté sexuelle. « Gab la rafale » s'offusque : « Ils ne sont pas doués pour la liberté sexuelle, cela ne veut rien dire ! Ils sont doués pour la passion, ils sont doués pour recevoir et pour donner. »

Il est fier de lui, content de sa sortie. Dans son journal (La passion Francesca), il note sa satisfaction : « Deux des invités m'agressent un peu, surtout une bonne femme genre prof, mais heureusement Christiane Rochefort est là, qui prend ma défense. Pivot semble enchanté et moi, cela m'a beaucoup amusé de parler des ''Moins de seize ans'' en présence de la belle enfant qui en est l'inspiratrice, le génie musagète. » Merci Francesca.

Un ''crétin'' porte plainte

Christiane Rochefort n'est pas l'épouse de Jean, mais une écrivain, une féministe de la première heure. Avec une telle caution, Gabriel boit un vin au goût de miel. Mais une dizaine de jours après son « one man chauve » (car perdant ses cheveux, il se rase le crâne, une espèce de Fabien Barthez avant l'heure, mais plus doué pour les parties de jambes en l'air que pour le football), ça tourne au vinaigre. Bernard Pivot lui apprend qu'un téléspectateur a porté  plainte contre lui pour les propos qu'il a tenus sur le plateau d''Apostrophes'', il lui précise que sur commission rogatoire, délivrée par le procureur de la République, des officiers de police vont visionner l'enregistrement de l'émission. Dans son journal, Matzneff consigne son mépris pour les braves gens qui paient la redevance : « Je n'ai jamais tenu à ''Apostrophes'' les propos  que ce crétin de téléspectateur (un ''père de famille'' !) prétend que j'y ai tenus. Le plus drôle est que je ne doute pas de sa sincérité : je suis depuis longtemps persuadé que le public ne comprend rien de ce qui se dit dans les débats télévisés. (…) Ce n'est pas les petites cellules grises chères à Hercule Poirot que les téléspectateurs ont dans la tête, mais de la marmelade, de la bouillie pour les chats. » Bêtes à manger du foin ces téléspectateurs qu'il nous dit.

Vous devez être abonné.e pour voir ce contenu

Déjà abonné.e ?