Jean-Baptiste Rivoire
Fin 2004, alors qu’elle épousait l’ambition politique de son mari depuis vingt ans, Cécilia Sarkozy tombe sous le charme de Richard Attias, un riche publicitaire qui dirige Publicis events. Paniqué à l’idée que le départ de son épouse ne l’empêche d’accéder à l’Elysée, Nicolas Sarkozy va bénéficier du soutien d’Arnaud Lagardère (Paris Match, le JDD, Europe 1), de Martin Bouygues (TF1), de Vincent Bolloré (D8, Direct matin), de Berstelsman (VSD, Gala), mais aussi de certains médias publics, qui vont dissimuler la vérité aux français pour ne pas obérer ses chances d’accéder à l’Elysée. Extrait de « L’Élysée (et les oligarques) contre l’info », Jean-Baptiste Rivoire, Les liens qui libèrent, 2022.
Pour Nicolas Sarkozy, la descente aux enfers commence paradoxalement lors d’une période faste : l’automne 2004. En novembre de cette année-là, pour célébrer sa désignation à la tête de la droite, il se fait payer par l’UMP un show hollywoodien. Au Bourget, devant son épouse et 40 000 militants en transe qui viennent de l’élire à 85 % des voix, il déclare : « Je suis prêt parce qu’au plus profond de moi-même, je sais que la France ne redoute plus le changement, mais qu’elle l’attend. Et ce changement, c’est nous qui allons l’incarner. » En fin de meeting, une vidéo de son fils Louis, alors âgé de 7 ans, l’encourage sur un écran géant : « Bonne chance, mon papa ! »
Mais en coulisses, Cécilia Sarkozy a du vague à l’âme. Après avoir consacré vingt ans de sa vie à l’ambition sans bornes de son mari, l’avoir accompagné dans ses déplacements, dirigé son cabinet à l’UMP, l’avoir conseillé, celle qui se disait « fière de n’avoir aucun sang français dans les veines » craque. Nicolas est-il trop obsessionnel, trop névrosé, trop absent ? En préparant le meeting du Bourget, elle rencontre Richard Attias, président de Publicis Events. Riche, séduisant, tranquille et sûr de lui, Attias séduit Cécilia, qui commence à le fréquenter discrètement. Si le « Tout Paris » apprenait cette liaison, ce serait un véritable séisme politique pour le candidat…
« Aucun redac’chef ne veut publier notre reportage »
Le photoreporter Pascal Rostain
Début 2005, un premier reporter photographie Cécilia Sarkozy et Richard Attias dînant dans un restaurant parisien, mais aucun journal n’ose publier ses photos. Connu pour avoir distribué en 1994 le scoop de Sebastien Valiela sur Mazarine Pingeot, la fille cachée de François Mitterrand, au sortir d’un déjeuner avec son père, le photoreporter Pascal Rostain apprend que le publicitaire et la femme du ministre de l’Intérieur vont s’envoler pour Cannes. Avec son confrère Bruno Mouron, ils embarquent dans le même avion qu’eux et parviennent à leur tour à les photographier, alors que les tourtereaux dînent dans un restaurant en vue du port.
Mais le lendemain, Paris Match, l’hebdo d’Arnaud Lagardère, décide de ne pas publier leurs photos. « Il semble qu’il y ait de la pression dans l’air, racontera Rostain dans ses mémoires. Alors que tout le monde sait que Cécilia a quitté Nicolas pour Richard, aucun rédac’chef ne veut publier notre reportage, car si les déboires de Nicolas Sarkozy feraient vendre des millions d’exemplaires, susciter son courroux effraie. Effraie beaucoup. »
« Si tu pars, c’est un point de non-retour »
Nicolas Sarkozy à son épouse Cécilia, le 19 mai 2005
Au fil des semaines, la séparation du couple Sarkozy explose pourtant au grand jour : alors que durant dix-sept ans, Cécilia n’avait quasiment jamais quitté Nicolas plus de 24 heures, elle ne l’accompagne même plus pendant la campagne du référendum européen. Le 19 mai 2005, elle lui annonce qu’elle le quitte et part pour Roissy. Affolé, le président de l’UMP la suit dans une course poursuite en voiture officielle, toutes sirènes hurlantes : « J’essaye de sauver ma famille, lui lâche-t-il dans le hall de l’aéroport. Si tu pars, c’est un point de non-retour. » En vain. Elle décolle pour retrouver Richard Attias. Le dimanche 22 mai, dévasté, Nicolas Sarkozy annule sa venue au 20 heures de TF1, un rendez-vous pourtant crucial à une semaine du référendum sur la constitution européenne.
« Ils ont une peur bleue, car c’est le futur président »
Le correspondant d’un journal Suisse à Paris
Mais cette fois encore, les puissants propriétaires de presse qui le soutiennent vont parvenir à étouffer le scandale qui menace son projet élyséen. Le 25 mai, comme le rapportera Libération, un journal Suisse, Le Matin, titre bien en « Une » « Sarko largué par Cécilia ». Mais le lendemain, aucun média français ne reprend ce scoop. Inquiet, le rédacteur en chef du Matin appelle son correspondant à Paris : « Je lui ai demandé pourquoi les autres journaux, les télévisions, les radios n’en parlent pas. Il m’a dit : “Tout le monde le sait, mais ils n’osent pas. Ils ont une peur bleue, car c’est le futur président”. »
Quand les avocats de Nicolas Sarkozy portent plainte, la justice condamne le journal suisse sur quelques détails, mais le blanchit sur l’essentiel : » Sarkozy avait bâti son ascension politique sur les rapports fusionnels, mais aussi professionnels qu’il entretenait avec son épouse de l’époque, Cécilia Sarkozy, expliquera l’avocat du journal. Le tribunal a mesuré qu’ayant utilisé ce levier très fort de la médiatisation d’un couple politique, l’un des composants de ce couple politique ne pouvait pas être totalement à l’abri de l’attention de la presse. » La justice française estimera ainsi qu’un couple qui s’est fortement médiatisé pour « booster » son destin peut difficilement refuser toute médiatisation quand des nuages surviennent.
« Vous parlez de la rumeur ? interrogez moi, faites votre joli métier ! »
Nicolas sarkozy dans le 19/20 de France 3
Au lendemain de la révélation de sa rupture par Le Matin, Nicolas Sarkozy accepte pour la première fois d’en parler publiquement, le 26 mai, dans le 19/20 de France 3: « Vous voulez parler de la rumeur ? Alors interrogez-moi, faites votre joli métier ! […] Il est normal en tant qu’homme public que je réponde aux questions. Mais ne trouvez-vous pas que, parfois, cela va trop loin ? Que ma famille mérite aussi d’être respectée ? Que ma femme, qui est une personne éminemment respectable, mérite aussi d’être respectée ? Qu’elle n’a pas à être suivie en permanence par des motos avec des photographes pour savoir avec qui elle déjeune ? Mes enfants doivent être respectés. La vérité, elle est très simple : comme des millions de familles, la mienne a connu des difficultés. Ces difficultés, nous sommes en train de les surmonter. Ma famille a besoin d’un peu de répit. […] Moi, je suis un homme public. Je peux combattre, je peux me défendre. Eux, pas. »
Sarkozy fait pression
En clair, à deux ans de la présidentielle, le candidat phare de la droite demande à la presse de cacher aux électeurs le fait que le couple politique qu’il leur a vendu depuis des années vient d’exploser. Pour bien faire comprendre qu’il considère désormais tout paparazzi comme un ennemi, il conclut : « Pour abattre quelqu’un, on utilise tous les procédés. »
Selon Jean-Michel Psaïla, le patron de l’agence photographique Abaca, cette sortie de Sarko s’expliquerait par l’article paru en Suisse, mais aussi par une autre « paparazzade », jamais révélée à ce jour : « Quelques jours avant sa sortie sur France 3, un photographe était à nouveau parvenu à immortaliser Cécilia et Richard sortant d’un restaurant parisien. Il a immédiatement proposé ses photos à VSD. Marc Simon, le directeur photo, est monté voir Philippe Labi, alors directeur des rédactions de Voici, Gala et VSD, puis il est redescendu en disant que cela ne les intéressait pas. »
« À VSD, on ne tirait jamais les premiers »
Marc Simon, ex directeur photo de VSD (groupe Bertelsmann)
Seize ans plus tard, Philippe Labi nous a affirmé « ne pas se souvenir » qu’on lui ait proposé des photos de Cécilia Sarkozy et Richard Attias. Marc Simon, lui, fouille dans sa mémoire : « Je ne me souviens pas d’avoir reçu Psaïla. Mais mon responsable était bien Philippe Labi. C’est lui que je consultais, forcément. […] Il est vrai qu’à VSD, on ne “tirait” jamais les premiers. Quand les Allemands de Bertelsmann avaient racheté l’hebdo en 1995, Chirac l’avait mal pris. Du coup, nos actionnaires marchaient sur des œufs. Labi n’aurait jamais publié une telle “première salve” dans un de ses journaux. D’autant qu’il était assez pote avec Sarko. »
« Je ne suis pas un agent de police! »
Philippe Labi, ex responsable de VSD et ami de Nicolas Sarkozy
C’est quelques jours après que VSD ait refusé les photos amenées par Psaïla et un de ses confrères que Nicolas Sarkozy mettait en garde sur France 3 les photographes suivant sa femme. « Je pense qu’il avait été mis au courant de l’existence des nouvelles images de Cécilia dînant avec Richard Attias », soupçonne Psaïla. Après avoir renoncé à publier ces photos, Philippe Labi aurait-il été jusqu’à informer Nicolas Sarkozy de leur existence ? Tout en admettant qu’il tutoyait alors le président de l’UMP, Labi dément : « Je ne suis pas un agent de police ! ».
Cécilia part s’installer à New-york avec Richard Attias
Quand Nicolas Sarkozy revient au ministère de l’Intérieur le 31 mai 2005, avec Dominique de Villepin à Matignon, il est contraint d’admettre que son épouse ne sera plus sa cheffe de cabinet à l’UMP. Fin juin, Cécilia consulte l’avocat Georges Kiejman, déménage de l’appartement de la place Beauvau et part s’installer à New York avec Richard Attias. Durant tout l’été, alternant menaces et SMS insistants, le ministre de l’Intérieur tente de reconquérir sa femme. Alors qu’elle organise désormais sa vie entre Paris et New York, et que leur fils Louis est scolarisé aux États-Unis, les preuves de l’explosion du couple Sarkozy s’accumulent sur le bureau d’Alain Genestar, le directeur de la rédaction de Paris Match : « Des photos nous arrivaient, révèlera-t-il en 2008 à Daniel Schneidermann. Cécilia et son ami ne se cachant pas, ils se promenaient sur la Croisette, ils louaient une décapotable et à Paris, […] ils allaient dans des restaurants très connus et ils se mettaient en terrasse. »
En dépit de sa célèbre maxime (« Le poids des mots, le choc des photos ») et du fait qu’en juillet, Pascal Rostain et Bruno Mouron sont parvenus à rephotographier Cécilia et Richard consultant les plans d’un appartement à New York, l’hebdo du groupe Lagardère achète les photos mais ne les publie pas. Alain Genestar s’en explique aujourd’hui : « La consigne était naturellement d’acheter [les photos de Cécilia et Richard]. Non pas pour les bloquer. Aucun magazine français n’allait les publier. Mais à Match, on savait qu’à un moment il faudrait publier l’histoire. C’est une règle à Match (comme dans tous les grands magazines people) : on achète les photos pour enrichir les archives quand la décision éditoriale est prise de revenir sur une histoire. » « Les médias français sont dirigés par des groupes industriels gouvernés par leurs peurs », estimera pour sa part le talentueux Rostain.
« Je pense qu’on ne va pas me virer. Ce n’est ni l’intérêt de Sarko, ni de personne »
Alain Genestar (ancien directeur de la rédaction de Paris-Match)
Ce n’est qu’à la fin de l’été 2005, quand il apprend que des photos de Cécilia et Richard ont été achetées par le Sunday Times de Londres et qu’il va donc se faire « griller », que Genestar se décide à « casser » la une de Paris Match au dernier moment pour publier les photos prises en juillet à New York par Pascal Rostain et Bruno Mouron. « On a estimé que Match ne pouvait pas être à la traîne », expliquera-t-il à Daniel Schneidermann. Alors que les photos de New York prouvent que Cécilia s’installe aux États-Unis, Paris Match titre timidement : « Cécilia Sarkozy, l’heure du choix. » Autre précaution: malgré l’urgence, Genestar a fait valider cette une par Gérald de Roquemaurel, devenu PDG de Hachette Filipacchi Médias. Et il est confiant : « Moi, je pense qu’on ne va pas me virer, ce n’est pas l’intérêt de Sarko, ni de personne. […] Et je me dis : “Si on me vire, c’est tellement mauvais pour Paris Match qu’ils ne vont pas le faire”. » Quand l’hebdo paraît, le mythique photoreporter Daniel Filipacchi, fondateur du groupe propriétaire de Paris Match, le félicite : « Il m’a appelé de New York pour me dire : “Je me demandais quand vous alliez oser le faire. Bravo !” », s’enorgueillit Genestar.
Côté Sarkozy, en revanche, c’est la « soupe à la grimace ». Le mercredi 24 août, veille de la sortie en kiosque, la une de Paris Match est envoyée au ministre de l’Intérieur en fin de matinée. Quand il descend déjeuner avec Patrick de Carolis, le nouveau PDG de France Télévisions qu’il a convié place Beauvau, Nicolas Sarkozy est blême. Il passera les trois quarts du repas son téléphone vissé à l’oreille : « [Il] était bouleversé et cherchait désespérément à joindre Arnaud Lagardère, le propriétaire du magazine », témoignera de Carolis. « Il ne comprenait pas pourquoi Match s’apprêtait à publier cette photo, il prenait cela pour une trahison, confie l’un de ses anciens conseillers. Arnaud lui-même était très ennuyé. »
« Ce que tu as fait, je ne l’oublierai jamais »
Nicolas Sarkozy au journaliste Alain Genestar
Quelques jours après la publication, dont Arnaud Lagardère a manifestement été prévenu trop tard, Alain Genestar appelle le ministre de l’Intérieur : « J’ai pu ressentir en parlant très brièvement au téléphone avec Nicolas Sarkozy la violence qui, s’abattant sur moi, s’était abattue sur Arnaud Lagardère. Et j’ai compris : la pression avait été trop forte. » En 2021, Genestar a accepté de nous en dire un peu plus sur ce douloureux échange : « Ce fut une conversation très froide, avec la formulation d’une menace implacable : “Ce que tu as fait, je ne l’oublierai jamais”, suivi de ces mots étranges : “Tu seras responsable de ce qui arrivera.” J’ai eu le sentiment qu’il y avait une sorte de “contrat” à mon endroit. »
« Soit c’est un traître, soit il ne tient pas son groupe »
Nicolas Sarkozy à propos d’Arnaud Lagardère (La Baule, le 3 septembre 2005)
Le 3 septembre, devant des journalistes à La Baule, Nicolas Sarkozy lâche à propos d’Arnaud Lagardère : « Soit c’est un traître, soit il ne tient pas son groupe. » Dans les semaines qui suivent, ce dernier appelle à son tour Genestar pour l’informer qu’il ne « dirigera plus Paris Match durant la campagne présidentielle ». Et en juin 2006, il est remercié, officiellement pour « dérive déontologique ». Bouleversé, Genestar partira sous les applaudissements de son équipe, qui se mettra même brièvement en grève pour protester contre une éviction qu’elle juge « politique ». Quelques mois plus tard, Gérald de Roquemaurel est écarté à son tour.
Interrogé quelque temps avant la présidentielle sur l’éviction d’Alain Genestar, Nicolas Sarkozy déclare n’avoir « aucune responsabilité dans cette décision, même si j’ai été blessé par certaines attitudes ». Une dénégation qui incitera l’ancien directeur de la rédaction de Paris Match à sortir du silence dans une interview au Monde : « Dans un grand pays libre et démocratique comme le nôtre, il n’est pas concevable qu’un ministre de l’Intérieur puisse être à l’origine du limogeage d’un journaliste. […] Je tiens donc à préciser que le ministre de l’Intérieur, quand il affirme n’être pour rien dans mon licenciement, ne dit pas la vérité. »
« Si vous publiez, on attaquera pour atteinte à la vie privée »
Nicolas Sarkozy à Vincent Barbare, directeur des éditions First (Place Beauvau, 10 novembre 2005)
Quelques mois plus tard, Vincent Barbare, directeur général des éditions First, va découvrir lui aussi les pressions que Nicolas Sarkozy peut exercer pour entretenir le mythe du couple politique qu’il entend encore désespérément incarner avec son épouse. Fin 2005, First commande à Valérie Domain, une journaliste de Gala ayant interviewé Cécilia Sarkozy quelques années auparavant pour un ouvrage sur la célébrité, une biographie de la probable future première dame. « À l’automne 2005, lors de plusieurs rendez-vous et échanges téléphoniques, Cécilia Sarkozy raconte donc à Valérie Domain son histoire d’amour avec Nicolas Sarkozy, la fin de cette histoire, sa nouvelle vie avec Richard Attias. »
Quelques semaines auparavant, Nicolas Sarkozy lui-même avait fait du shopping dans le quartier de la Madeleine, à Paris, au bras d’Anne Fulda, une journaliste du Figaro qu’il présentait aux vendeurs d’Ikea ou de Darty comme la « nouvelle Mme Sarkozy ». Comme au printemps, ni Paris Match ni VSD n’avaient osé publier des clichés de Pascal Rostain et Bruno Mouron immortalisant le ministre de l’Intérieur et sa nouvelle compagne rentrant au domicile de cette dernière, avenue Victor-Hugo (dans le 16e arrondissement de Paris), portant des cabas chargés de fleurs.
Le 3 novembre, conscient que les révélations de Cécilia sont explosives, l’éditeur fait paraître dans L’Express un petit écho révélant que Domain l’a débriefée « avant » et « après » sa rupture avec Nicolas Sarkozy. Quand rien ne bouge, Barbare décide de foncer. Mais à quelques jours de la publication, alors que 25 000 exemplaires ont déjà été imprimés et que le plan média est prêt (interview chez Fogiel…), Cécilia envoie un texto à Domain : « Tout peut encore changer. » Puis, après relecture des deux chapitres évoquant la rupture, elle laisse entendre que la journaliste n’a pas respecté ses propos et révèle qu’elle a « appelé Nicolas au secours ».
Le 10 novembre 2005, Vincent Barbare est convoqué place Beauvau. Depuis le perron du ministère, le conseiller presse et communication Franck Louvrier l’aurait conduit directement dans le bureau de Nicolas Sarkozy : « Ils m’ont dit : “Vous êtes libre, mais si vous publiez, on attaquera pour atteinte à la vie privée”, nous a confié Barbare. Ils ont ajouté que le livre n’avait pas de raison d’être, que notre journaliste [Valérie Domain] avait divagué, qu’elle n’avait en réalité jamais recueilli le témoignage de Cécilia (ce qui était faux). » Interrogé seize ans plus tard sur cet entretien, Franck Louvrier nous a affirmé n’y avoir « pas assisté ».
Des centaines de milliers d’euros de « manque à gagner »
En sortant du ministère, Barbare est sonné. À l’époque, First est en train d’être vendu à Editis, du groupe Wendel, alors propriété du baron Ernest-Antoine Seillière. Nicolas Sarkozy aurait-il tenté de faire capoter cette vente ? Barbare appelle en tout cas Seillière, ainsi qu’un dirigeant d’Editis : « Je leur ai expliqué que le bouquin était devenu un peu hors sujet. J’ai suggéré qu’on suspende la publication, j’avais d’autres combats à mener. » En catastrophe, Barbare appelle Hachette, qui s’apprête à distribuer dans toutes les librairies de France les 25 000 exemplaires déjà imprimés, et les fait sortir d’urgence de l’« office ». « À 24 heures près, ils étaient placés dans des cartons pour expédition ! Je les ai fait mettre sous bâche dans un entrepôt », nous a-t-il confié. Manque à gagner : plusieurs centaines de milliers d’euros.
Mais dans les jours qui suivent, catastrophe : Le Canard enchaîné, qui a eu vent de l’histoire, y consacre un article: « Coup de karcher sur une bio de Cécilia ». Une du Parisien, caméras de télé en bas de chez lui, Barbare ne sait plus où donner de la tête. Seize ans après, il minimise : « J’ai été la victime collatérale d’une réconciliation conjugale. »
Valérie Domain, elle, sortira profondément blessée de l’épisode. Elle en sera réduite à publier à la place du récit envoyé au pilon un roman à clés ou Cécilia devient « Célia » et Nicolas, « Guillaume ».
La semaine prochaine: Emeutes de 2005, de l’huile sur le feu des banlieues ?