Mégabassines : comment l’État a pris le parti des gros céréaliers

chantier de la mégabassine de Priaires
En raison d'un conflit d'intérêts, le chantier de la mégabassine de Priaires, ici le 27 novembre 2023, a été suspendu temporairement le 30 octobre 2023. - © Mathieu Génon / Reporterre

Les conflits d’intérêts entre les services de l’État et les coopératives agricoles industrielles sont légion dans la création des mégabassines des Deux-Sèvres.

• Cette enquête a été réalisée en collaboration avec le média Reporterre . Elle est diffusée en partenariat avec l’émission La Terre au carré, de Mathieu Vidard, sur France Inter. Le premier volet - Profit, export et grandes cultures : les vraies raisons des megabassines- est à lire ici.

Pour sa première visite de terrain après sa prise de fonction le 7 mars 2022, la nouvelle préfète des Deux-Sèvres, Emmanuelle Dubée, avait choisi la boue. Mais pas n’importe laquelle : celle de la mégabassine de Mauzé-sur-le-Mignon. Tout juste arrivée du cabinet du ministre de l’Intérieur, la représentante de l’État se justifiait à la presse : « J’ai bien compris que c’était un sujet de tension, d’intérêt majeur. Un protocole a été signé, soutenu par l’État. Des engagements ont été pris et mon but est en toute impartialité de faire respecter les termes de ce protocole. »

Les éléments que nous avons recueillis pour retracer les étapes de la signature et de la mise en application du protocole contredisent cette profession d’impartialité. Noyautée par les intérêts de l’agriculture industrielle, la démarche a été menée au pas de charge par la Coopérative de l’eau 79, maître d’ouvrage des bassines, et par les services de l’État. Quitte à piétiner décisions de justice et manquements manifestes aux engagements pris, pourtant garantis par la préfecture.

Carte des productions de céréales destinées à l'exportation
© Louise Allain / Reporterre

Signer le plus vite possible

Le 18 décembre 2018, il y avait foule sous les moulures de la bibliothèque de Niort, la préfecture des Deux-Sèvres. Vingt-huit signataires, observateurs et observatrices réunis à l’invitation de la préfète de l’époque, Isabelle David, pour signer le protocole des retenues d’eau des Deux-Sèvres, l’acte de naissance des mégabassines. « C’était solennel, il y avait les engagements rappelés… Tout ça sonnait très vertueux », se souvient un observateur.

Des clameurs au-dehors troublaient pourtant le chuchotement des plumes sur le papier à en-tête de la République : retenus par des CRS en casque et boucliers, les manifestants antibassines scandaient des slogans après avoir essayé d’empêcher les participants à la réunion d’entrer. « Nous avions dû passer par une porte dérobée dans les jardins, c’était rocambolesque ! » raconte un participant.

préfecture de Niort
L’acte de naissance des mégabassines des Deux-Sèvres a été signé à la préfecture de Niort. © Mathieu Génon / Reporterre

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