Le « printemps de l’investigation »

François Hollande, au Bourget, le 22 janvier 2012 (photo DR)

« Main basse sur la presse », notre feuilleton d’été à retrouver chaque vendredi

Série extraite de « L’Elysée (et les oligarques) contre l’info », JB. Rivoire, Les Liens qui libèrent, 2022

Sous François Hollande, les journalistes d'investigation de France Télévisions vont vivre un véritable "printemps de l'investigation". Mais leurs enquêtes sur l'évasion fiscale ou la pollution aux particules fines vont rapidement déranger l'exécutif...

Sous François Hollande, certains oligarques auraient profité de la passivité du président socialiste pour mener en coulisses de violentes campagnes de déstabilisation contre France Télévisions, coupable d’avoir initié un salutaire « printemps de l’investigation ». C’est dès 2011, à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, que démarre cette période bénie pour le service public, notamment avec le lancement de Cash investigation. Conçue par Laurent Richard, Élise Lucet et Jean-Pierre Canet sous l’autorité de Thierry Thuillier, alors directeur de l’information, l’émission est produite par Paul Moreira et Luc Hermann, les anciens présentateurs de 90 minutes (Canal Plus). Avec les plus gros moyens jamais consacrés par la télévision publique à des enquêtes de fond sur les multinationales, Cash investigation gagne rapidement ses galons auprès du public. Alors rédacteur en chef adjoint de Spécial investigation, je me demandais si France 2 parviendrait à lever des coins de voile sur les entreprises les plus puissantes du monde. « Ces programmes provoquent des crispations des entreprises ou des politiques, explique en 2015 Thierry Thuillier, alors directeur de l’information de France Télévisions. Dans le périmètre de l’information, il faut sentir une confiance à 100 %. J’ai eu ce lien indispensable avec Rémy Pflimlin, [qui] a compris que cette indépendance était une singularité du service public. » Meurtri de devoir sa nomination à Nicolas Sarkozy, qui avait passé son quinquennat à tenter de museler les médias, Rémy Pfimlin laisse une grande liberté éditoriale à Thierry Thuillier.

Un audiovisuel public audiacieux

Sous sa direction, les équipes d’Élise Lucet vont réussir au-delà de toutes les espérances. Quand François Hollande succède à Nicolas Sarkozy, en mai 2012, il hérite d’un audiovisuel public audacieux (Cash investigation, Complément d’enquête, Pièces à conviction…) et d’un Canal Plus encore impertinent (Les Guignols de l’info, Le Petit Journal, Le Zapping…). Depuis nos bureaux de Spécial investigation, qui dominent la Seine à Boulogne-Billancourt, dans une saine émulation avec nos confrères du service public, nous allons explorer des terrains peu évoqués jusqu’alors à la télévision et révéler nombre de scandales (évasion fiscale, greenwashing, pollution au diesel, corruption de la presse par la publicité, travail des enfants…). Au fil des mois, les différents programmes vont dévoiler des pans entiers de l’État profond, celui dans lequel la connivence entre puissants (politiques, industriels, dictateurs…) est la règle. Après le « printemps arabe », nous eûmes le privilège de vivre un véritable « Printemps de l’investigation ».

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