Françalgérie
Ce passé (criminel) qui ne passe pas

Orian Lempereur Castelli, Jean-Baptiste Rivoire

"Crime contre l'humanité", "histoire d'amour qui a sa part de tragique", les approximations d'Emmanuel Macron sur l'histoire Franco-Algérienne suscitent le trouble. illustration Smart reading press (DR)

Le 1er septembre dernier, Le Monde a retiré de son site une tribune du chercheur Paul Max Morin (Cevipof, Université côte d'Azur) qui pointait des errements présidentiels sur le dossier Franco-Algérien. Cette censure décidée par le quotidien de Xavier Niel, qui a présenté ses "excuses au Président de la République", étonne. Car après avoir qualifié la colonisation de "Crime contre l'humanité" en 2017, présenter la relation Franco-Algérienne comme une "histoire d'amour" (même si Emmanuel Macron a ajouté "qui a sa part de tragique") confine à une forme de révisionnisme historique de la part du Président Français, comme le montrent les travaux de nombreux chercheurs et les carnets de campagne des officiers Français ayant conquis l'Algérie entre 1830 et 1843.

Quel est le propos du chercheur Paul Max Morin qui a provoqué l'ire de l'Elysée au point que Le Monde retire sa tribune de son site l'après midi même de sa publication? Est-ce le fait d'avoir écrit " La colonisation n'a rien d'une histoire d'amour, elle est une histoire de prédation, de violence, et d'asservissement " ? D'avoir rappelé qu'en 2007, même Nicolas Sarkozy avait reconnu que " le système colonial était injuste par nature " et qu'il " ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation " ? Que le 19 décembre 2012, François Hollande avait reconnu devant les parlementaires Algériens "les souffrances que la colonisation a infligées au peuple Algérien"? Est-ce plutôt le fait d'avoir rappelé, suite à la création par Emmanuel Macron d'une enième commission d'historiens, que "trois générations d'historiens" s'étaient déjà succédées pour faire la lumière sur l'histoire Franco-Algérienne? Que " toutes les archives n'étaient pas encore ouvertes " et que les historiens avaient " besoin de moyens pour travailler " ? Ou est-ce enfin le fait d'avoir révélé que la "grande majorité des chercheurs qui ont produit des connaissances majeures sur cette période" (la colonisation) n'ont pas de poste, travaillant de fait " gratuitement " ? ou d'avoir estimé que les déclarations du Président "parachevaient (sa) droitisation sur la question mémorielle " ? Seule, la Présidence de la République pourrait répondre à cette question. Contacté le 2 septembre au matin, l'Elysée n'a pas répondu aux sollicitations de Off-investigation.

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