Féminicides : l’Etat multi-condamné pour inaction

Action organisée à Toulouse le 4 novembre 2023 par l'association NousToutes31 pour dénoncer l'inaction du gouvernement et de la justice contre les féminicides | photographie Charly TRIBALLEAU / AFP

Alors que l'exécutif revendique depuis 2017 un engagement fort dans la lutte contre les violences faites aux femmes, sur le terrain, des appels à l’aide sont restés lettre morte. Au point que les féminicides ont bondi de 44% en 2024. Des proches de victimes sont parvenus à faire condamner l'Etat pour « faute lourde ».

136. C’est le nombre de féminicides retenu en France pour la seule année 2024. Une hausse de plus de 44 % par rapport à 2023. Malgré la mise en place fin 2018 de la plateforme en ligne « arrêtons les violences », ou encore le lancement en 2019 d’un « Grenelle des violences conjugales », ces dernières se comptent toujours par centaines de milliers chaque année (Le Monde, novembre 2024). Dans plusieurs drames récents, des victimes ou leur famille ont mené un combat à l’issue duquel elles sont parvenues à faire reconnaître la responsabilité de l’État. Explications.

L'État condamné pour « faute lourde »

Le 4 juin 2025, suite au meurtre d'une jeune mère de famille du Nord, Nathalie Debaillie, par son compagnon Jérôme Tonner, le tribunal de Paris rend une décision historique : l'Etat est condamné pour « faute lourde ». Il doit verser 27 000 euros de préjudice moral à la famille de la victime.

Au lendemain de cette décision de justice, à Paris, son frère nous confie : « C'est une grande avancée, [et ça faisait partie] de notre objectif dans la lutte des violences faites aux femmes. » Mais, tout comme l'ex-mari et les enfants de Nathalie Debaillie, il se dit aussi profondément « déçu » et « troublé » de cette condamnation de l’Etat bien en deçà des montants demandés par la famille.

En effet, le tribunal de Paris a considéré qu'au vu de l'« implacable détermination » de Jérôme Tonner, l'ex-compagnon de Nathalie Debaillie, il n'était pas garanti que des mesures coercitives comme une interdiction de séjour ou de contact auraient pu l'empêcher de commettre son crime. Le tribunal a donc évalué à 50% « le taux de perte de chances de ne pas subir les faits du 27 mai 2019 ». Comprendre : rien ne sert d'essayer de freiner un criminel quand il est déterminé ? Le raisonnement du tribunal est en tout cas intenable pour la famille et leur avocate, Me Nathalie Steyer : « Dans tous les cas de féminicides, l'homme est déterminé. Ça veut dire qu'on démissionne devant la détermination de ces hommes-là ». La famille de Nathalie Debaillie a décidé de faire appel de cette décision, estimant que la responsabilité de l'Etat n'avait pas pleinement été reconnue.

Vous devez être abonné.e pour voir ce contenu

Déjà abonné.e ?