« A Wissous, Richard Trinquier était surnommé le shérif »
L’interview de Thierry Vincent

Jean-Baptiste Rivoire : Salut Thierry, tu révèles un fichage massif d'habitants dans la commune de Wissous dans l’Essonne. C'est quoi la culture de cette municipalité ?

Thierry Vincent : Wissous est une petite ville de 8000 habitants. C'est à 20 kilomètres de Paris, tout près des pistes d'Orly. Mais c'est une espèce de baronnie locale un peu isolée du monde. Pendant 25 ans, il y a eu un maire quasiment inamovible (enfin, il y a eu une interruption de six ans avec un intermède socialiste). Mais sinon, Richard Trinquier a régné sur Wissous de 1995 à 2021. C'est un personnage haut en couleurs. Il est passé de la droite à l'extrême droite, il a soutenu le RN. C'est quelqu'un d’un peu obsédé par les musulmans et l'islam. Il s'est fait connaître en 2012 pour avoir interdit l'accès de femmes voilées à «  Wissous plage », qui est la grande attraction estivale de la ville. C'est quelqu'un qui a un passé très intéressant. C'est le fils adoptif du colonel Roger Trinquier, un militaire français ayant sévi en Algérie. Il était très pro-Algérie française. Il n'y a pas de preuve qu'il ait été à l’OAS. Mais en tout cas, il a été très actif dans la répression des mouvements indépendantistes et il a même écrit un bouquin qui fait référence, qu'on enseigne même aux États-Unis, à West Point, sur la contre insurrection, c'est à dire comment écraser les guérillas nationalistes, tiers mondistes, de gauche. Et cela a fait école, notamment en Amérique du Sud. 
A Wissous, son fils Richard Trinquier était surnommé «  le shérif ». Il est un peu cowboy, il cultive une sorte d'obsession pour les armes. Il se fait connaître aussi pour avoir, en  2018, menacé d'un sabre des gens du voyage dont il ne voulait pas à Wissous. Il était visiblement émêché, mais cela a valu à la police municipale d'être désarmée. Wissous, c'est un peu un mélange de Clochemerle et de Orwell, avec des habitants fichés et des opposants un peu terrorisés par un maire qui a tenu la ville d’une main de fer, même si là, il est parti depuis deux ans.

Jean-Baptiste Rivoire : C'est quoi cette histoire de fichage d'habitants?

Thierry Vincent : Tout part d'un malaise à la police municipale. Il y a huit ou neuf agents qui tous, à un moment ou un autre, ont été en «  burn out ». Certains se disent harcelés par leur chef actuel, Romuald Platat. Sur place, la police des polices a découvert un fichier informatique dans lequel 1235 habitants étaient fichés. Sur 8000 habitants, si on enlève les enfants, cela fait quasiment un habitant sur trois. Un foyer sur deux. Alors on ne sait pas ce qu'il y avait dans ces fiches parce que le contenu lui même a disparu, a dû être effacé. Mais il reste un tableau Excel avec le nom des gens qui ont été fichés. Un blogueur local, Olivier Wagneux, a révélé le nom d’une des personnes fichées. Il s’agit de Philippe De Fruyt, un conseiller municipal d’opposition divers droite. Il va porter plainte car il ne comprend pas pourquoi il a été fiché. Ses activités sont publiques, c’est un industriel local et un opposant politique et il aimerait savoir ce que contient sa fiche. De toute façon, c'est complètement illégal d'établir un fichier sans l'accord de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés, ndlr).
On sait aussi qu'il y a des catégories dans ce fichage. Ça c'est très très grave puisqu'il y a par exemple la catégorie « gens du voyage ». Ce fichier existerait depuis au moins 2005.

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