Réunion de crise à BFMTV
Soupçons d’ingérence éditoriale

Jean-Baptiste Rivoire 

Marc Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV, le 16 septembre 2016 à Paris (photo Joel Saget / AFP)

EXCLUSIF. Le présentateur du journal de la nuit, Rachid M'barki, aurait diffusé durant des mois des images institutionnelles de propagande, notamment en faveur du Maroc. Révélé par Politico, ce scandale qui fait l'objet d'une enquête interne a donné lieu à une réunion de crise, ce vendredi, à BFMTV, en présence de Marc-Olivier Fogiel, directeur général et Céline Pigalle, directrice de la rédaction.

" On a été massivement trompés ". Selon un compte rendu de réunion interne dont Off Investigation a pu prendre connaissance, c'est par ces mots que Céline Pigalle, directrice de la rédaction de BFMTV, a présenté aux journalistes de la rédaction ce vendredi 3 février au matin le scandale qui secoue actuellement la première chaîne info de France.
Le 2 février, le site Politico révélait qu'un audit interne avait été déclenché mi-janvier après que la chaîne de Patrick Drahi ait été informée que de nombreux contenus suspects avaient été diffusés dans le Journal de la nuit du présentateur Rachid M'barki.
Face à des salariés inquiets, la direction de BFMTV a indiqué que le journaliste d'origine marocaine aurait " perçu des paiements en liquide " et confirmé qu'il était " dispensé d'activité " depuis la mi-janvier (il a été remplacé à la présentation du journal de la nuit par son confrère Thomas Joubert).

Propagande officielle marocaine

Au sein de BFMTV, plusieurs des confrères de M'Barki s'interrogent notamment sur un "off" diffusé dans son journal en juin 2022. Sur fonds d'images institutionnelles ne provenant pas de BFMTV, le présentateur y évoquait en termes laudateurs un forum économique organisé à Dakhla, au Sud du Maroc, " en présence d'investisseurs espagnols ". M'barki évoquait un " réchauffement des relations diplomatiques " entre l'Espagne et le Maroc, facilité, disait-il, par la " reconnaissance espagnole du Sahara marocain ". Par cette expression issue de la propagande officielle marocaine, le présentateur de BFMTV faisait référence au Sahara occidental, territoire annexé par le Maroc dans les années 1970, mais dont la communauté internationale conteste la marocanité.  

" Je voudrais rester très discret là dessus, mais j'essaye d'agir, à ma manière, pour faire briller le Maroc "

Rachid M'Barki le 30 juillet 2019, 20ème anniversaire de l'accession de Mohammed VI au pouvoir

Le 30 juillet 2019, invité au Maroc à l'occasion du 20ème anniversaire de l'accession au pouvoir de Mohammed VI, Rachid M'Barki déclarait à Le360.ma, un site d'info proche du régime : " Je suis Marocain, mon coeur bat pour le Maroc, je suis très très fier d'être Marocain. Et être invité pour le 20ème anniversaire de l'accession au trône de sa majesté, c'est vraiment quelque chose d'extraordinaire, d'exceptionnel ".
A la question de savoir quelles activités il initiait pour rapprocher la France du Maroc, le présentateur de BFMTV répondait : " je voudrais rester très discret là dessus, mais j'essaye d'agir, à ma manière, à mon petit niveau, pour faire briller le Maroc (...) il est très ancré dans le XXIème siècle et la mondialisation.

" Je suis musulman, français et surtout marocain "

Rachid M'Barki le 30 juillet 2019

Le Maroc est en train de devenir une vraie puissance. Pas régionale. Mondiale. Quand vous voyez passer le train, il vaut mieux être dedans que de le regarder passer. Et moi, j'ai envie d'être dans ce train là. Le train de l'avenir, le train du progrès, le train du Maroc (...) je suis musulman, français et surtout marocain ".

Rachid M'Barki au Maroc le 30 juillet 2019 pour le 20ème anniversaire de l'accession au trône du Roi Mohammed VI (Extrait à 1'40)

Le 4 février, sous cette vidéo tendant à défendre un régime de Mohammed VI pourtant pointé du doigt pour ses atteintes aux droits de l'homme et ses persécutions de journalistes, un internaute postait ce commentaire à l'attention du journaliste de BFMTV : " T'es un vrai lion. Le Roi ne t'oubliera pas ".

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