« Maroc : sexe, corruption et espionnage »
Le journaliste Ali Lmrabet décrypte les méthodes de Mohammed VI

Jean-Baptiste Rivoire 

EXCLUSIF Suite au "Qatargate" ce scandale de corruption au coeur du parlement de Bruxelles, la presse a découvert qu'il s'agissait surtout d'un "Marocgate". Ces derniers mois, dans le plus grand secret, plusieurs services de renseignement européens ont en effet averti la sûreté belge que des eurodéputés grecs, italiens, ... avaient reçu d'importantes sommes d'argent liquide de la part d'agents marocains oeuvrant pour le compte du Roi Mohammed VI. Interdit d'activité au Maroc après y avoir été emprisonné, aujourd'hui réfugié en Espagne, le journaliste marocain Ali Lmrabet décrypte l'affaire en exclusivité pour Off Investigation.

Jean-Baptiste Rivoire : Il y a trois armes utilisées par le Maroc depuis plusieurs dizaines d'années pour exercer son influence : l’argent, l’espionnage et le tourisme sexuel. Est ce que vous pouvez m'expliquer ça?

Ali Lmrabet : À l'époque du roi Hassan II, le père de l'actuel roi, il y avait plein de mallettes d’argent qui partaient du Maroc et qui arrivaient chez des responsables français.

Jean-Baptiste Rivoire : Est ce qu'aujourd'hui c'est toujours des mallettes d'argent liquide ou c'est d'autres techniques?

Ali Lmrabet : À l'époque c'était de l'argent liquide et maintenant (avec le scandale de corruption Maroc/UE, ndlr) on a la preuve que c'est aussi de l'argent liquide. 
Et puis il y a une autre manière de corrompre ces gens là, de corrompre des personnalités de droite comme de gauche. Ce sont des invitations un peu « spéciales »  au Maroc, surtout à Marrakech. Nous, on l'appelle la « Sodome du monde arabo-musulman », la Sodome moderne. 

Jean-Baptiste Rivoire : Ça veut dire quoi, « invitations spéciales » ?

Ali Lmrabet : On permet à des personnalités françaises, dans le monde politique, mais aussi dans le monde des affaires ou des personnalités médiatiques, de venir au Maroc faire ce qu'ils ne peuvent pas faire en France.

Jean-Baptiste Rivoire : Du tourisme sexuel ?

Ali Lmrabet : Avec des mineurs. Ce qui est grave, c'est que le Maroc est un pays musulman où ce genre de pratiques est prohibé non seulement par la morale islamique, mais par la loi (…) Ils peuvent faire au Maroc ce qu’ils faisaient en cachette en France dans les années 1950-60, 70, 80, mais qu’ils ne peuvent plus faire maintenant. Il y a plein de cas documentés d'affaires sexuelle où des politiciens français ont été chopés la main dans le sac. Ou plutôt la main dans le derrière (Excusez moi le terme).

Jean-Baptiste Rivoire : Le Maroc laisse faire? Il se sert de ce tourisme sexuel pour faire pression ?

Ali Lmrabet : Le Maroc, il laisse faire, et il se sert parfois de ces affaires (pour faire pression sur des personnalités françaises, ndlr). Il y a eu même des noms qui sont sortis, qui avaient été publiés quand j'étais en prison. J’étais en taule pour des affaires de presse, pour avoir prétendument « porté atteinte à l’image du roi du Maroc ». Dans l’aile ou j’étais emprisonné, se trouvaient des hauts magistrats ainsi que deux préfets de police parfaitement au courant de ce qui se passait à Marakech. Ils m’ont raconté des histoires  (à priori) incroyables. Comme un fameux ministre socialiste qui a été attrapé avec des mineurs. La seule chose qu'a faite ce ministre, c'est de dire : « écoutez, vous ne savez pas à qui vous avez affaire ». Les policiers ne savaient pas à qui ils avaient à faire. Le ministre a été arrêté, puis relâché après des ordres venus d’en haut. Mais le PV de police est resté là.

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