Le suicide du ministre fait « pschitt »

Reconstitution de la découverte du corps de Robert Boulin à l'étang rompu (Saint Léger en Yvelines), 28 octobre 2019. Le corps du ministre avait été découvert là quarante ans auparavant. Depuis 1983, la famille conteste la thèse du suicide. La justice a rouvert des enquêtes. (Photo Martin BUREAU / AFP)

Suite à la mort du ministre Robert Boulin, le 30 octobre 1979, la thèse du suicide domine. Elle va être progressivement battue en brèche, au fil des découvertes de la famille et des proches du ministre.

Dans l’affaire Boulin, beaucoup d’observateurs ont eu des doutes, se sont convertis à la thèse du suicide, avant de la rejeter. C'est le cas du père Michel Viot. Au départ le saint homme fréquentait deux temples : celui de l'église luthérienne, dont il était pasteur, et celui de la franc-maçonnerie, dont il était frère. Au carrefour de l'an 2000, à l'âge de 55 ans, il vire sa cuti, protestant contre les protestants et rendant son tablier maçonnique, il devient prêtre catholique. Peu importe, chacun en fera sa religion. Le point intéressant, c'est qu’en 1975, en tant que Vénérable Maître de la loge James Anderson de la Grande Loge de France, Michel Viot, a initié Robert Boulin au grade d'apprenti franc-maçon.    

Bien que catholique pratiquant, Robert Boulin s'est laissé tenter par l'expérience. Lors de son passage au ministère de la Santé (de 1969 à juillet 1972), il recrute dans son cabinet un gynécologue reconnu dont il apprécie les idées avancées en matière de contraception et de sexualité. Cet homme s'appelle Pierre Simon, et c'est alors le grand maître de la Grande Loge de France. Qui convainc Boulin d'entrer en franc-maçonnerie, de devenir un frère trois points. En octobre 1975, Il est donc initié par Michel Viot pour tirer des plans sur la comète avec le grand architecte de l'univers.

« Pourquoi je ne crois pas au suicide de Robert Boulin »

Le père Michel Viot, initiateur de Robert Boulin en Franc-maçonnerie

Quand Robert Boulin a cassé sa pipe, Viot était donc aux premières loges pour se forger une opinion sur les causes réelles de son décès. Dans une tribune libre publiée le 24 juin 2010 sur « Rue89 » (un site créé par des anciens de Libération, puis racheté par l'Obs), une confession titrée « Pourquoi je ne crois pas au suicide de Robert Boulin », il explique pourquoi il ne croit plus au suicide alors qu'il y a longtemps cru, après en avoir d'abord douté. Il narre dans le détail l'évolution de son intime conviction. 

A l'annonce de la mort du ministre, présentée officiellement comme un suicide par noyade, il réfute cette version, car selon lui jamais un frère ne se serait donné la mort sans suivre les usages maçonniques et adresser un ''faire-part'', une lettre d'adieu, à ses compagnons de loge. Il raconte qu'alors on lui a fait changer d'avis, un émissaire bien intentionné l'affranchissant : « Selon mon interlocuteur, Robert craignait que le terrain de la Côte d'Azur ne soit qu'une première calomnie lancée contre lui. La suite devait être la mise en cause de sa femme, accusée d'être nymphomane et maîtresse d'Henri Tournet, le promoteur escroc de Ramatuelle. Bertrand Boulin, son fils n'a pas non plus été épargné. Educateur de jeunes en difficultés, il aurait été accusé de graves affaires de mœurs à leur encontre. » En conséquence, pour protéger sa famille, le ministre aurait préféré en finir.

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