Olivier Annichini

Mémoire des années 1970 où chez certains intellectuels, la pédophilie était encore considérée comme un art de vivre, les carnets noirs de l’écrivain Gabriel Matzneff ont été épluchés par le journaliste Olivier Annichini. Son manuscrit ayant été refusé par des éditeurs, Off Investigation re-feuilletonne tous les mercredi en série d’été ce tableau d’une intelligentsia où la pédophilie est épinglée à la boutonnière (des pantalons) comme la rosette à la veste d’un ministre.
Ça a débuté comme ça... Le 2 janvier 2020, dans un supermarché où les cailles farcies de la Saint-Sylvestre sont en promotion, au rayon littérature, dans une sélection de livres à lire pour ne pas mourir bête, je tombe sur « Le Consentement » d'une certaine Vanessa Springora... L'éditeur annonce le récit d'une gamine de quatorze ans séduite et abusée par un écrivain célèbre et quinquagénaire... Comme depuis longtemps je me couche de bonne heure, mais jamais sans un bon bouquin à dévorer sous la couverture, je dis oui à ce « Consentement », le ticket de caisse en fait foi... Pour un voyage au bout de la nuit avec une jeune fille en fleur... trop rapidement fanée...
C'est un conte immoral, un manège désenchanté... Il était une fois un petit chaperon rouge qui à la fin se fait croquer par un loup qui aurait pu être son grand-père... Elle s'appelle Vanessa, elle a treize ans, elle vit avec sa mère, qui travaille dans l'édition, au pays merveilleux de Saint-Germain-des-Près. Depuis sa sortie de maternelle, il n'y a plus de paternel à la maison. Le père n'est plus qu'un mauvais souvenir. Certes une fois il l'a invitée chez lui, mais dans un placard elle a découvert que sa belle-mère était une poupée en latex. Ses jouets à elle, ce sont les livres où elle « noie ainsi le chagrin inconsolable dans lequel l'abandon de mon père m'a laissée ».
Jusqu'au 6 novembre 1985. Ce soir-là sa mère la traîne dans un dîner chez des amis de la haute. Au menu, des huîtres, une pintade et une brochette d'écrivains. L'un d'eux n'a d'yeux que pour elle. C'est un « bel homme, d'un âge indéterminé, malgré une calvitie complète, soigneusement entretenue et qui lui donne un air de bonze. » Pour Vanessa, mal dans sa peau de petit crapaud, comme on la surnomme au collège, ce regard envoûtant agit comme un coup de baguette magique. Elle se sent belle comme une petite princesse. Le magicien s'appelle G., il est alors âgé de 49 ans, c'est un écrivain qu'on invite à la télé. Le charme opère.
