L’autopartage, marché « maudit » des constructeurs

Des voitures
Dans les grandes villes, les constructeurs automobiles peinent à rentabiliser leurs services d'autopartage en "free-floating" (photo JB Rivoire)

Ne parvenant pas à rentabiliser le service « Zity », qui permettait d’emprunter des Dacia Spring n’importe où dans Paris, Renault vient de jeter l’éponge. Un nouvel échec pour le constructeur français après celui de Moov’in Paris, mais aussi et surtout pour le système dit du « free-floating ». Explications.

Pour se déplacer à Paris ou dans ses alentours, depuis le 15 janvier 2024, il ne faut plus compter sur le service d’autos en libre-service Zity. Renault l’a brutalement annoncé par voie de communiqué le 9 janvier, soit moins d’une semaine avant la fin des opérations. Pour une simple raison, selon l’un des porte-parole du constructeur : « Nous avons à Paris un taux de dommages très important sur les véhicules. En moyenne, le taux d’incidents est supérieur de 72% à ceux observés dans les autres villes où Zity est présent. On ne peut pas se permettre d’avoir des clients insatisfaits. Cela fait du tort à tout le monde, ils ne méritent pas cela, et nous non plus » fait-on savoir depuis Boulogne-Billancourt. 

Et de fait, le taux d’insatisfaction semble en effet atteindre des sommets ! « Les véhicules sont tous vandalisés, sales et jonchés de déchets » indique un client mécontent, résumant à lui seul l’ensemble des avis postés sur Internet. Un autre fait remarquer qu’en revanche, « le système de facturation est sur-efficace, 9,8€ facturés pour un service non rendu ! » Plusieurs avis en ligne racontent en outre l’indisponibilité chronique des opérateurs en cas de problème technique avec les Dacia électriques…

Renault multiplie les échecs

C’est donc une fin en forme d’abandon que Zity observe à Paris, après le précédent échec de Moov’in Paris. Il faut en effet savoir que le service Zity, qui faisait l’objet d’une co-entreprise entre la société espagnole Ferrovial et Renault, était né en 2021 sur les cendres de cet autre système autrefois exploité par le loueur de courte durée Ada et Renault. A l’image de Zity, Moov’in Paris n’était jamais parvenu à trouver un modèle économique viable : « Nous avions convenu avec Renault de fonctionner dans Moov’in Paris pendant au moins un an. Ce que nous avons fait. Nous avons partagé les pertes, mais au bout d’un an, nous avons décidé d’arrêter » expliquait en 2020 l’ex-directeur général d’Ada à L’argus.

Moov’in Paris, Zity Paris, le groupe Renault serait-il maudit dès lors qu’il s’agit de proposer de l’autopartage dans la capitale ? Sans doute pas plus que les autres. L’échec le plus retentissant en matière de véhicules partagés à Paris est sans doute celui d’Autolib’, le système de location de petits véhicules électriques instauré en 2011 par Vincent Bolloré à la demande expresse de la mairie. Après des débuts médiatiquement tonitruants, Autolib’ avait arrêté les frais en 2018, car le business model entrainait des pertes abyssales. Idem pour Car2go à Paris (groupe Daimler), mais aussi pour l’américain Zipcar, etc.

Le prix des “incivilités

Si Zity Paris ne sera bientôt plus alors que le système continue de prospérer à Madrid, Milan et Lyon, c’est en partie à cause de l’incivilité qui caractérise les clients Parisiens. Les véhicules sont souvent rendus sales, voire dégradés, et cela handicape le parcours client, voire la rentabilité des opérations. « Nous sommes sur un business model avec des marges minimes, voire moins que minimes. Il suffit d’un grain de sable pour enrayer tout cela » explique à Off Investigation Jehan de Thé, le président de l’Association des acteurs de l’autopartage AAA, qui fait remarquer que le système d’autopartage Ubeeqo, toujours opérant à ce jour, avait dû lui aussi fermer quelques stations à Paris en raison du grand nombre d’incivilités rencontrées. 

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