Lanceurs de balles de défense
Comment la France a rendu encore plus dangereuses les armes de guerre suisses

Maïlys Khider

Antoine Boudinet et Patrice Philippe, blessés le 8 décembre 2018 lors d'une manifestation de gilets jaunes. L'un a eu la main droite arrachée par une grenade explosive GLI-F4, l'autre a eu l'oeil droit crevé par une balle de 40 millimètres tirés par un lanceur de balle de défense (LBD) (Photo Mehdi FEDOUACH / AFP)

En pleine révolte des gilets jaunes, alors que gendarmes et policiers tiraient sur les manifestants à coups de grenades explosives et de lanceurs de balles de défense (LBD) produits en Suisse, mais dotés de munitions plus dangereuses que celles d'origine, un député helvétique avait tenté de convaincre son pays de ne plus vendre ces « armes de guerre » à la France. Résultat : une relocalisation hexagonale en trompe-l’œil, pas mal d’hypocrisie et un marché français dopé.

En novembre 2018, les réformes fiscales d'Emmanuel Macron (suppression de l'impôt sur la fortune et alourdissement des taxes sur le diesel) provoquent des révoltes dans toute la France. Chaque samedi, des milliers de manifestants arborant un gilet jaune défilent pour demander un moratoire sur l'augmentation des taxes sur le carburant.
Très vite, la détermination des manifestants se heurte à des forces de l'ordre surarmées mais souvent peu entraînées. Elles sont notamment équipées de lanceurs de balles de défense, considérés par la règlementation internationale comme des armes de guerre.
Sur ordre du gouvernement d'Edouard Philippe, policiers et gendarmes vont procéder à une répression sanglante. En 36 mois, le journaliste David Dufresne a recensé sur son compte twitter Allô Place Beauvau 353 blessés à la tête, 30 éborgnés, six mains arrachées. Sans compter les blessures aux parties génitales et sur le reste du corps. Près de 4500 blessés en tout, dont 2500 parmi les forces de l’ordre. La plus grave répression survenue en France depuis mai 1968. 
Derrière ces chiffres, des « armes de guerre » comme le célèbre Lanceur de balles de Défense LBD40, qui est fabriqué en Suisse.
Dès décembre 2017, avant même la révolte des Gilets jaunes, Jacques Toubon alors défenseur des droits, avait recommandé qu’un policier ayant visé des manifestants avec un LBD soit sanctionné: « la crainte inspirée par cette arme, pointée vers le haut du corps et à bout portant, face à des individus non armés, ne peut participer à l’amélioration des relations entre la police et la population mais risque, au contraire, de les dégrader ».

" Usage disproportionné d'armes non létales "

Des experts de l'ONU

Début 2019, trois mois après le début de la révolte des " gilets jaunes ", des experts de l’Organisation des Nations Unies considèrent qu'en France, “ les restrictions imposées au droit ” ont entraîné  “ des blessures graves causées par un usage disproportionné d'armes dites "non létales" telles que les grenades et les lanceurs de balles de défense ou flashballs ”.
En février 2019, depuis Strasbourg, la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe demande à la France de “suspendre l’usage du LBD dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre ”. Rien n’y fait. Le gouvernement d’Edouard Philippe continue à réprimer les manifestants. L’alerte va alors venir de Suisse, embarrassant à la fois les fabricants de LBD et le gouvernement français.

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