L’affaire de Draguignan
Le tourisme sexuel mis à l’index

Laurence Beneux

Le tribunal de grande instance de Draguignan (Var) (photo Laurent Martinat)

En 1997, des pédophiles belges et français sont jugés devant le tribunal correctionnel de Draguignan (Var) pour avoir abusé d'enfants en Thaïlande, aux Philippines, au Maroc, ... Largement médiatisé, ce procès marque la fin de l'insouciance pour les touristes sexuels français, comme le célèbre écrivain Gabriel Matzneff, qui jusque là abusaient souvent en toute impunité d'enfants à l'étranger.

« Si je ne me cache pas trop avec mon amante de 15 ans, mes aventures avec les petits garçons se déroulent dans une stricte clandestinité », écrivait Gabriel Matzneff dans son ouvrage "Les moins de 16 ans", publié en 1974. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'en France, les relations homosexuelles entre majeurs et mineurs étaient alors plus sévèrement réprimées que les relations hétérosexuelles. Explications.

Dans les années 1970, le viol n’est pas encore défini par la loi, il ne le sera qu’en 1980. Avant cette date, on parle " d’attentat à la pudeur " en cas de relations sexuelle avec un mineur. Ce n'est qu'à partir de 1832 qu'on prévoit une pénalisation en cas de rapport sexuel avec tout enfant de moins de 11 ans, même lorsque l'acte est commis sans violence. En 1863, l'âge est relevé à 13 ans. Puis la circulaire du 2 juillet 1945, porte la majorité sexuelle (ndlr : âge en dessous duquel on ne questionne pas le consentement du mineur – nous reviendrons sur cette notion dans un prochain article) à 15 ans, pour les relations hétérosexuelles.

La pédophilie homosexuelle plus sévèrement réprimée

Dans les années 1970, les relations homosexuelles entre majeur et mineur sont pénalisées d'une façon différente que les relations hétérosexuelles. En effet, si le texte dispose que « tout attentat à la pudeur, consommé ou tenté sans violence, sur la personne d’un enfant de l’un ou l’autre sexe, âgé de moins de quinze ans sera puni de la réclusion », c’est-à-dire d’une peine de prison, il précise aussi que « sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 60 francs à 15000 francs quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe mineur de 21 ans ». En clair, les relations homosexuelles entre majeur et mineur sont interdites. Et en cas d'infraction, la peine minimum est de 6 mois de prison, avec une amende. Cet âge sera modifié en 1974, lorsque la majorité civile sera abaissée à 18 ans.

Cette discrimination dans le traitement juridique des relations homosexuelles entre majeur et mineur est révélatrice du jugement moral que porte encore la société de l’époque sur ce qui, deux siècles auparavant, avait été qualifiée de « luxure abominable ». Certes les relations homosexuelles entre adultes ont été dépénalisées dès la fin du 18 ème siècle, mais de là à accepter que l’on incite les mineurs à ce qui encore est considéré comme le signe d’une corruption de l’esprit et un acte de débauche, il y a un pas !
Ce n'est qu'en 1982 que cette différence de traitement entre hétérosexualité et homosexualité sera abolie, avec beaucoup de difficultés d’ailleurs et malgré le rejet du Sénat.

On parle beaucoup de la libération sexuelle post soixante-huitarde ; elle est largement à relativiser ! Les intellectuels parisiens et le mouvement hippie sont loin de représenter la majorité d’un pays où la cellule familiale, père, mère, enfants, demeure une pierre angulaire de l’organisation sociale et où les normes judéo-chrétiennes restent prégnantes.

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