Israel-Palestine
L’hypocrisie de l’ONU éclate au grand jour

Volker Turk, portrait
High Commissioner for Human Rights Volker Turk adresses the assembly during a special session of the UN Human Rights Council on the situation in Iran, at the United Nations in Geneva on November 24, 2022. (Photo by VALENTIN FLAURAUD / AFP)

Après l'attaque du Hamas contre des civils Israeliens, qui a provoqué 1400 morts et des dizaines de prises d'otages le 7 octobre dernier, les bombardements de Gaza ordonnés par Benyamin Netanyahou auraient fait en un mois près de 9 000 morts dont 3760 enfants, selon le Hamas. Dans une lettre ouverte de démission adressée le 28 octobre à Volker Turk, haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Craig Mokhiber, directeur du Bureau de New York du Haut Commissariat aux droits de l’homme dénonce soixante dix ans d'hypocrisie et d'impuissance Onusienne à dénoncer l'une des dernières colonisations du XXème siècle et à protéger le peuple palestinien. Off Investigation publie ce courrier qui restera dans l'histoire.

Monsieur le Haut Commissaire,

Ceci sera ma dernière communication officielle en tant que directeur du Bureau de New York du Haut Commissariat aux droits de l’homme (OHCHR).

Je vous écris dans un moment de grande détresse pour le monde, y compris pour beaucoup de nos collègues. Une fois encore, nous assistons à un génocide qui se déroule sous nos yeux, et l’Organisation que nous servons semble impuissante à l’arrêter. En tant que personne ayant enquêté sur les droits de l’homme en Palestine depuis les années 1980, ayant vécu à Gaza comme conseiller des Nations unies pour les droits de l’homme dans les années 1990, et ayant effectué plusieurs missions de défense des droits de l’homme dans le pays avant et depuis ces périodes, cette situation me touche personnellement.

C’est encore dans ces locaux de l’ONU que j’ai travaillé lors des génocides contre les Tutsis, les musulmans bosniaques, les Yazidis et les Rohingyas. Dans chaque cas, alors que la poussière était retombée sur les horreurs perpétrées contre des populations civiles sans défense, il devenait douloureusement évident que nous avions manqué à notre devoir de répondre aux impératifs de prévention des atrocités de masse, de protection des personnes vulnérables et d’obligation d’exiger que les auteurs de ces actes rendent des comptes. Il en a été de même avec les vagues successives de meurtres et de persécutions à l’encontre des Palestiniens, tout au long de l’existence des Nations unies.

Monsieur le Haut Commissaire, nous échouons à nouveau.

Craig Mokhiber, portrait
Craig Mokhiber, le haut responsable de l'ONU ayant démissionné le 28 octobre (photo Al Jazeera English)

En tant que juriste spécialisé dans les droits de l’homme, avec plus de trente ans d’expérience dans ce domaine, je sais bien que le concept de génocide a souvent fait l’objet d’exploitation politique abusive. Mais le massacre actuel du peuple palestinien, ancré dans une idéologie coloniale ethno-nationaliste, dans la continuité de décennies de persécution et d’épuration systématiques, entièrement fondé sur leur statut d’Arabes, et associé à des déclarations d’intention explicites des dirigeants du gouvernement et de l’armée israéliens, ne laisse aucune place au doute ou au débat. À Gaza, les habitations, les écoles, les églises, les mosquées et les établissements médicaux sont attaqués sans raison et des milliers de civils sont massacrés. En Cisjordanie, y compris à Jérusalem occupée, les maisons sont saisies et réattribuées en fonction uniquement de la race. Par ailleurs, de violents pogroms perpétrés par les colons sont accompagnés par des unités militaires israéliennes. Dans tout le pays, l’apartheid règne.

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