Avec « Vous ne me trouverez pas sur Amazon » (Divergences, 2024), Laurent Mauduit, journaliste à Médiapart, décrypte la « double opération de prédation » menée de concert sur la presse et l’édition par les géants du numérique et quelques milliardaires voraces. Sans oublier de pointer la complicité du pouvoir dans ce processus anti-démocratique.
Le nouveau livre de Laurent Mauduit est un cri d’alerte et de révolte contre un « capitalisme prédateur », contre la « Sainte alliance » des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et des « puissance d’argent ». Son titre renvoie à l’appel lancé en novembre 2020 - « Nous ne vendrons plus nos livres sur Amazon » - par Hobo Diffusion, structure de 80 maisons d’édition indépendantes dont fait partie Divergences, l'éditeur de Laurent Mauduit. Le texte annonçait déjà la fronde : « Avatar d’un système global, Amazon représente un monde dont nous ne voulons pas et avec lequel il est grand temps de rompre. ». Rappelons ce qu’est ce monde : abus de positions dominantes, refus de payer l’impôt, précarisation des emplois et ultraflexibilité du travail, logique marchande de l’audience, surveillance et captation de données au service de la publicité et des algorithmes. Une « domination sans partage ».
Amazon contre les libraires
Dans l’édition, ce monde porte le nom d’Amazon. Sous emprise, de la distribution à la vente du livre, le secteur traverse « une époque de tourmente sans précèdent ». Laurent Mauduit décrypte l’acharnement de la firme de Jeff Bezos à tirer les prix vers le bas grâce à une réduction au minimum des frais de port et aux conditions avantageuses de livraison auprès de la Poste, ouverte à la concurrence depuis 2011. Amazon a su en tirer profit. Un constat en appelle un autre : « L’envolée d’Amazon est d’abord la conséquence du naufrage du service public ».
Face à ces contournements de la loi Lang de 1981, instituant le prix unique du livre, le législateur semble impuissant, le pouvoir peu regardant. Exemple avec la loi Darcos votée en 2021. Le texte prévoyait de s’opposer aux pratiques de dumping d'Amazon avec un prix plancher fixé par l’ARCEP, dirigé par une proche d’Emmanuel Macron, Laure de La Raudière. Le dispositif, trop faible, n’aura aucun impact sur la « distorsion de concurrence » entre le géant et les librairies, indépendantes en tête, décidément « bien seules à se battre ». Comme un symbole, Jeff Bezos, patron d’Amazon, recevra, lui, la légion d’honneur en février 2023 à l’Élysée.