Grève des carburants
Des médias toxiques ?

Jean-Baptiste Rivoire et Orian Lempereur-Castelli

Grève à la raffinerie ExxonMobil de Gravenchon (Seine Maritime) en mai 2016 (photo Charly Triballeau/ AFP)

Super-profits escamotés, salaires des cadres passés sous silence, délocalisation des raffineries peu évoquées, salariés grévistes jetés en pâture, depuis quelques semaines, les grandes " marques d'informations " contrôlées par des industriels comme Martin Bouygues, Vincent Bolloré ou Patrick Drahi se déchaînent contre les employés des raffineries qui ont le malheur de réclamer une part des super-profits réalisés par les pétroliers suite à la guerre en Ukraine. Problème : cette tendance à escamoter les raisons de la colère risque d'accentuer les blocages.

Chez Patrick Drahi, qui tentait récemment de bâillonner le site indépendant  reflets.info après des articles évoquant la façon dont il gère sa fortune, l’offensive anti-grève est principalement menée par la branche audiovisuelle d’Alice. Dès le 9 octobre, sur BFMTV, la chaîne tout info du groupe dirigée par Marc-Olivier Fogiel, Aurore Bergé, patronne des députés Macronistes et récemment nommée au « board » de France Télévisions, dénonçait un mouvement de " grève préventive " qui " pénalise les français qui bossent ". Le lendemain, BFM business se demandait en toute objectivité dans un bandeau: «  Essence: comment casser la grève ? ».
Sur RMC Story, Jérôme Lavrilleux, ancien directeur de cabinet de Jean-François Copé condamné à trois ans de prison dans l’affaire Bygmalion pour " financement illégal de campagne électorale ", s’énervait à son tour contre les grévistes: « c’est pas le moment, on peut être responsable ! ».

RMC et les "grévistes irresponsables"

Sur la même antenne, Emmanuel Lépine, secrétaire général de la fédération nationale des industries chimiques FNIC-CGT, avait beau expliquer que les chiffres de rémunération avancés par Total (« 5000 euros/mois ») étaient « totalement faux », l’émission Les Grandes gueules continuait à enfoncer le clou, donnant la parole à une entrepreneuse anti-grève sur le thème « l’ambiance est de chaos, les grévistes sont irresponsables, c’est pas le moment de faire une telle grève ». 

Dans Libération, dont Patrick Drahi s’est éloigné ces derniers mois, quitte à laisser l’oligarque Tchèque Daniel Kretinsky y réinvestir 14 millions d’euros, la crise des transports est traitée avec plus de profondeur et d’intégrité. Dans son édition du 17 octobre, le quotidien fondé par Serge July titre sur « la crise des transports franciliens » alors que les salarié-es de la RATP et de la SNCF, qui gèrent les 10 millions de trajets de la première région de France, sont appelé-es à la grève mardi 18. Après un dimanche de mobilisation réussie pour la NUPES, l’éditorialiste politique Thomas Legrand rappelle « ce que la gauche doit à Mélenchon » … un retour en grâce du leader de la France Insoumise après que le journal ait consacré de nombreux articles aux affaires Bayou et Quatennens ? En tout cas, Libération confirme son rôle de quotidien engagé à gauche et tâcle une Elisabeth Borne incertaine qui menacerait le droit de grève.

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