Gilets jaunes : quand les grands médias méprisaient le peuple

Gilets jaunes télé
Entre novembre 2018 et fin 2019, la répression de la révolte des gilets jaunes a fait près de 4500 blessés (Photomontage : Mathilde Rivoire)

Le 17 novembre 2018, Il y a pile six ans, débutait la révolte des Gilets jaunes. Durant des mois, les chaînes de télé tout info ont mené contre ce mouvement citoyen inédit une guerre médiatique mâtinée de mépris, de haine de classe, voire de fake news.

À l’origine, la colère est partie d’une enième taxe sur le carburant. Supposément écologique – en réalité créée pour compenser le coût du CICE, un crédit d’impôts accordé aux entreprises (France Info, 27/12/2018) – elle impactait en premier lieu les classes populaires et moyennes vivant en zone périurbaine ou rurales, dépendantes de la voiture pour se déplacer (Gilets jaunes : la révolte des budgets contraints, Pierre Blavier, Presses Universitaires de France, 2021).

Après l’avoir réduit à un mouvement anti-taxes, les chaînes d’information en continu ont rapidement évolué dans leur traitement de cette mobilisation, destinée à s’inscrire dans la durée. Très vite, de CNews à LCI, en passant par BFMTV et RMC ou encore Europe 1, et même au sein de l’audiovisuel public, les plateaux de la télévision française ont donné à voir des moments de mépris, voire de haine de classe vis-à-vis de citoyens de droite ou de gauche qui, pour beaucoup, n’avaient jamais manifesté de leur vie.

Europe 1 – « Les gilets jaunes racontent un peu n’importe quoi »

Comme le montre l’ouvrage du sociologue belge Jean-Louis Siroux, Qu’ils se servent de leurs armes – Le traitement médiatique des Gilets jaunes (éditions du Croquant, 2020), la radio Europe 1, alors sous pavillon d’Arnaud Lagardère, a souvent été en pointe dans le mépris des gilets jaunes. Le 11 décembre 2018, au lendemain d’un discours du président de la République qui annonçait quelques augmentations des bas salaires dans l’espoir de calmer la contestation, Jean-Michel Aphatie, éditorialiste vedette de la radio, affirme que les gilets jaunes « ont brisé Emmanuel Macron, son élan, sa trajectoire, sa jeunesse » et estime que la mesure d’augmentation du Smic annoncée va « coûter cher ». Il interroge directement la légitimité de continuer le mouvement et demande « un peu de plomb dans la cervelle » à ceux qui appellent à manifester le samedi suivant. Le 21 janvier 2019, le chroniqueur d’Europe 1 remet le couvert : « Les gilets jaunes racontent un peu n’importe quoi ». Le 18 février 2019, après des insultes proférées à l’encontre du philosophe Alain Finkielkraut par certains manifestants dans les rues de Paris, Apathie franchira un nouveau cap en affirmant que « tous les antisémites avaient un gilet jaune ». Pour Jean-Michel Aphatie, les manifestants « usent » la police, ce qui « contribue à déstabiliser la République », comme il le déclarera le 22 avril 2019.

Cette tendance à discréditer les révoltés s’inscrit dans un cadre bien plus large, auquel Jean-Michel Aphatie et la radio bientôt bolloréenne auront grandement participé. Une compilation des frasques du chroniqueur a même été publiée par Europe 1.

LCI – « Les discours officiels des deux leaders [sont] méprisables »

Sur LCI, la chaîne info de TF1 (Groupe Bouygues) Jean-Michel Aphatie tient peu ou prou des propos similaires, qualifiant le mouvement des gilets jaunes d’« infréquentable ». Thomas Legrand, journaliste à France Inter et Libération, alors chroniqueur sur LCI, se lâche également le 11 février 2019 dans l’émission 24h Pujadas : « Il y a aussi dans ce mouvement une incapacité à s’exprimer, une incapacité à hiérarchiser ses revendications, une incapacité à dire ce qu’ils veulent. Et quand on ne peut pas parler, c’est vrai pour n’importe qui, quand on ne peut pas exprimer ce qu’on veut dire, on finit par taper […] ». Et d’ajouter : « Les discours officiels des deux leaders les plus partagés […], leurs propos sont absolument débiles, ils sont incommentables […], ils sont totalement critiquables, ils sont même méprisables », préconisant d’arrêter de les inviter en plateau.

Une violence assez répandue sur LCI, comme en témoignent les sorties du présentateur et chroniqueur Eric Brunet. Au départ, pourtant, il semblait placer de l’espoir dans le mouvement. Le 16 novembre 2018, il appellait par exemple à enfiler « ce gilet jaune qui est moche, […] qui ne va avec rien » à la veille du premier acte. Une occasion de manifester contre la « fiscalité abusive » du « pays le plus taxé au monde », ce dont il n’est « pas fier ».

Le 3 décembre, après un assaut contre l’arc de triomphe à Paris, Brunet retourne sa veste. Pour lui, le mouvement des gilets jaunes a « perdu son âme ». Il déclare que le « mouvement anti-taxe, très intéressant au début, profond » est « devenu quelque chose [qu’il] ne maîtrise plus et [qu’il] ne comprend plus ». Il dénonce sur Twitter (désormais X) une « plateforme revendicative (…) plus à gauche que le programme de Mélenchon ».

Mais le discours d’Emmanuel Macron le 10 décembre 2018 rassure le chroniqueur de LCI : une « réponse calibrée » d’une ampleur inédite dans l’histoire de la Ve République, selon lui. En bon défenseur des possédants, il invite à ranger les gilets jaunes « dans la boîte à gants », et appelle à ne pas manifester le samedi suivant. Le 14 décembre, Éric Brunet s’agace face aux manifestants qui ne l’ont pas écouté, alors qu’un exode des riches est au centre des débats : « Ceux qui iront manifester demain, ce sont pour moi, des gens qui veulent semer le désordre […] Écoutez bien, j’espère que cette crise ne va pas conduire les entreprises, étrangères et françaises, et les plus aisés d’entre nous, les riches, à déserter la France encore une fois. » Une telle perspective lui « [fout] la trouille ».

Quelques mois plus tard, sur RMC, le 28 juin 2019, Eric Brunet accuse un gilet jaune d’avoir aggravé la pauvreté en France. Julien, le gilet jaune en question, dit regretter la casse liée au mouvement. Le chroniqueur l’invective : « Tu ne regrettes pas ! (…) On pourra péter la France jusqu’à la fin des temps parce qu’on aura toujours des bonnes raisons ! ».

Le groupe Canal / CNews – « On ne va jamais s’en sortir »

Dans l’émission « L’info du vrai », sur Canal +, Yves Calvi précise le 18 février 2019 que la majorité des gilets jaunes n’ont pas de diplôme : « Je dois dire ça avec respect pour tous ceux qui n’ont pas eu de diplôme, qui ont construit leur vie, qui sont fidèles aux lois de la fraternité et de la République, mais cet élément doit être porté à la connaissance de tout le monde. C’est quand même aussi un élément d’appréciation dramatique sur qui est dans la rue pour demander quoi et éventuellement donner une issue à ce qu’ils réclament. » En sous-texte, on retrouve un message très répandu dans les médias de milliardaires : les gilets jaunes seraient incultes, voire analphabètes.

Yves Calvi ne s’arrête pas là : en novembre 2019, il va jusqu’à dire : « Y’a plus que du noir, on est en train de passer du vandalisme à un semi-terrorisme » qui « menacerait notre mode de vie ». L’utilisation du pronom à la première personne du pluriel est intéressante, elle trahit l’inconscient de classe d’Yves Calvi. Les gilets jaunes menacent les intérêts de la classe dominante, médiatique et politique. Un syndicaliste de police Alliance, Jean-Claude Delage, expliquait déjà le 18 mars 2019 : « Aujourd’hui on a affaire à des terroristes, donc on doit les traiter comme des terroristes. » Le même jour, le présentateur de « L’info du vrai » est allé plus loin, en répondant avec sérieux au journaliste de Marianne Laurent Valdiguié, évoquant la possibilité de parquer des gilets jaunes dans un stade. Le lendemain, Yves Calvi réitèrera, cette proposition étant la « seule solution » en cas d’arrestations massives selon lui.

Du côté de CNews, dans « L’heure des pros » de ce même 18 mars 2019, Pascal Praud, qui se positionne souvent comme anti-système, se range derrière le gouvernement : « Le problème de la démocratie, et de la démocratie représentative, il est assez simple. C’est que tous les deux ans, tous les cinq ans, tous les sept ans, il y a une majorité à 50,5 qui, entre guillemets, « impose sa volonté » aux 49,5. C’est le principe de la démocratie. Si plus personne n’accepte ça, alors qu’une élection a eu lieu il y a 18 mois, et que tous les samedis effectivement la France est à feu et à sac parce qu’il y a une partie effectivement des gens qui ne sont pas d’accord, on ne va jamais s’en sortir. »

Derrière ces mots, on comprend que la démocratie représentative est constamment opposée à la demande de démocratie directe et de prise en compte de la voix du peuple par les gilets jaunes. Une stratégie qui masque mal la peur de Pascal Praud d’un renversement de pouvoir bourgeois pour aller aux mains de classes populaires et moyennes. L’animateur star de CNews va ainsi dans le sens du président Emmanuel Macron, qui déclare à l’occasion des vœux de fin d’année 2018, le 31 décembre : « Que certains prennent pour prétexte de parler au nom du peuple – mais lequel, d’où ? Comment ? Et n’étant en fait que les porte-voix d’une foule haineuse, s’en prennent aux élus, aux forces de l’ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels, c’est tout simplement la négation de la France ! Le peuple est souverain. Il s’exprime lors des élections. Il y choisit des représentants qui font la loi précisément parce que nous sommes un État de droit. »

Et lorsque la contradiction est timidement apportée sur le plateau de Sonia Mabrouk, les intervenants réguliers de CNews s’indignent. Le 8 janvier 2019, le philosophe Vincent Cespedes ose « comprendre la violence » des manifestants. L’intellectuel explique que « des gens qui crèvent de froid, qui crèvent de faim » peuvent en venir à être violent, tout en le condamnant. Une prise de position immédiatement contestée avec virulence sur le plateau : « Vincent Cespedes aurait avoué avoir croisé des extra-terrestres en entrant sur le plateau, il n’aurait vraisemblablement pas provoqué davantage de stupeur », résume Jean-Louis Siroux.

Un exemple loin d’être isolé sur les plateaux de Bolloré. Il n’y a qu’à voir la réaction de certains invités, comme Yves Lefebvre, syndicaliste policier, dans l’émission « Punchline » de CNews du 11 février 2019. Le policier syndicaliste SGP Police-Force Ouvrière déclare au sujet d’un manifestant qui a ramassé une grenade de désencerclement ayant explosé dans sa main et perdu des doigts : « Il cherche sa perte le type, au bout d’un moment il faut le dire. Si la grenade lui était directement arrivée dans la main, oui on pourrait se poser des questions. Mais là il se penche, il récupère. Je vais être très cru mais c’est bien fait pour sa gueule ».

BFMTV/RMC – « Des chemises noires, brunes, rouges, [qui] ne veulent pas une évolution du pays »

Sur BFMTV, les chroniqueurs ne sont pas en reste. Une propagande permanente est dirigée à l’encontre du mouvement, à tel point que les reporters de la chaîne info alors contrôlée par Patrick Drahi ne peuvent plus aller en manifestation sans se faire huer, voire agresser. Le 8 décembre 2018, une centaine de gilets jaunes iront jusqu’à organiser une manifestation devant le siège de la chaîne, à Issy-Les-Moulineaux (Hauts de Seine), aux cris de « BFM, enculés ! ».

La source de cette colère envers BFMTV est à chercher du côté de la couverture méprisante et partiale du mouvement. Ce même 8 décembre, lors de l’acte IV, Bruno Jeudy, présentateur de la chaîne, reçoit Christophe Couderc, un gilet jaune. Ce dernier répond à une attaque du présentateur, qui l’accuse d’être d’ultra-gauche. Au contraire, il se décrit comme républicain. Il dénonce la privatisation de l’aéroport de Paris, la vente de la Française des jeux, et la vente de barrages par le gouvernement. Réponse de Bruno Jeudy : « Mais monsieur, vous ne révélez rien du tout, tout cela est connu, tout cela est public ! ». Avant de l’accuser d’avoir des « obsessions politiques » et d’être un « faux gilet jaune », qui ne parlerait pas comme d’autres de ses camarades. « Vous ne servez pas la cause de ceux qui, sur les ronds-points, se battent pour leurs fins de mois, se battent sans réfléchir, sans penser, sans remettre en cause la démocratie ».

Le 7 décembre 2018, toujours sur BFMTV, un gilet jaune pacifique est présent face à Bernard Vivier (Directeur de l’Institut Supérieur du Travail). La parole de ce notable, qui dénonce des « chemises noires, des chemises brunes, des chemises rouges, qui veulent faire la révolution et qui ne veulent pas une évolution du pays », n’est absolument pas remise en question. Lorsque le gilet jaune explique que des policiers ont chargé des manifestants pacifiques, il se voit contredit dans l’instant par la présentatrice Céline Pitelet : « Est-ce que vous dénoncez la violence de certaines personnes qui mettent un gilet jaunes sur les épaules et vont à l’affrontement ? »

Dans la même veine, un extrait d’émission publié le 3 mars 2019 par le compte X « Brèves de presse » montre un gilet jaune s’étant plaint d’être coupé à chaque prise de parole se voir répliquer par le présentateur Thomas Misrachi de quitter le plateau si cela ne lui convient pas, ce qu’il fait sans hésiter. Un nouvel exemple de traitement déséquilibré.

Dans le même temps, Acrimed a isolé dans une vidéo publiée le 13 mars 2019 des extraits d’émission de BFMTV. On peut y entendre l’éditorialiste Apolline de Malherbe encenser Emmanuel Macron pour sa prestation lors du Grand Débat, organisé dans toute la France en réponse aux gilets jaunes. Elle le trouve « brillant », impressionnant, et est subjuguée : « Quelle performance ! ». Sur le plateau de BFMTV, la remontée de sa côte de popularité est qualifiée de « bonne nouvelle ». Deux poids, deux mesures, quand sur RMC, le 18 mars 2019, le présentateur Olivier Truchot abonde dans le sens d’un auditeur qui propose de tirer sur les gilets jaunes à balles réelles : « Aux Etats-Unis, ils tireraient à balles réelles. Je vais vous dire, si on s’en prend à un flic, les collègues tirent », dit-il, semblant normaliser cette option.

Radio Classique – « Que les policiers se servent de leurs armes une bonne fois ».

Une violence des policiers trop mesurée ? Sur la très feutrée Radio Classique, le 7 janvier 2019, l’ancien ministre de la Culture Luc Ferry défend la même idée : « Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on ne donne pas les moyens aux policiers de mettre fin à ces violences, c’est insupportable. (…) Quand on voit des types qui tabassent à coups de pieds un policier qui est par terre, qu’ils se servent de leurs armes une bonne fois, écoutez ça suffit ! »

Le Monde – « Et si le populisme prospérait aussi sur le terreau de l’inculture économique ? »

Au Monde, le dessinateur Xavier Gorce publie des caricatures de pingouins vêtus de gilets jaunes. Selon le sociologue Jean Louis-Siroux, « Ces derniers (y) sont présentés comme ignares (« On ne veut pas se faire récupérer par moins con que nous, ce qui dénaturerait le mouvement »), bornés (« Tout ce qu’ils accepteront est inacceptable ») et dogmatiques (« Comment un pays peut-il se dire démocratique quand il refuse les demandes de 0,12 % de citoyens qui détiennent la vérité »). Le Gilet jaune est aussi un abruti (« C’est pratique, cette auto-signalisation des troupeaux d’abrutis » (pas dans Le Monde mais publié par l’auteur) doublé d’un beauf dépourvu de bon goût (« Ah non, désolé : le dress code de la fête des beaufs, c’est Gilet jaune, cette année »). » Les gilets jaunes sont même comparés à des nazis. Les gilets jaunes étaient souvent attaqués pour leur bêtise, leur appartenance, réelle ou supposée, à l’extrême-droite, leur côté « beauf ». Le Monde ne fait pas exception. Une critique de cet entre-soi élitiste est d’ailleurs réalisée par Faustine Vincent le 15 décembre 2018, quelques jours après un portrait de deux gilets jaunes en situation de précarité.

Si Le Monde publie des articles très intéressants sur les conditions de vie des gilets jaunes ou sur la répression policière (c’est l’un des rares grands journaux qui a recensé toutes les arrestations, les blessés et les morts), un édito sur le manque de culture économique des gilets jaunes fait tâche. « Et si le populisme prospérait aussi sur le terreau de l’inculture économique ? », s’interroge ainsi Jean-Michel Bezat dans les colonnes du quotidien le 26 novembre 2018. « Si les Français ont un tel sentiment de déclassement, “Gilets jaunes” en tête, c’est notamment dû à leurs lacunes en économie », affirme-t-il dans sa chronique.

Sur France Télévisions, « une espèce d’écurie de branquignols » ?

Sur le service public aussi, certains déséquilibres ont pu être relevés dans le traitement de l’information. On y retrouve des frasques de l’inénarrable Jean-Michel Aphatie, qui verse dans le complotisme le 15 décembre 2018, évoquant à propos des gilets jaunes, des « organisations souterraines, cachées », de « gens qui tiennent les ficelles », un « mouvement informel, gazeux ». Une rhétorique renvoyant à un imaginaire souvent jugé conspirationniste dans moult cas, mais pas ici.

Apathie enchaîne dans l’émission « C à vous » du 18 mars 2019 sur France 5, dénonçant le rapport de l’ONU sur les violences policières en France : « La pression, ignoble, il faut bien le dire, qu’ont fait peser tout un tas de gens en gants blancs, du défenseur des droits à la haut commissaire de l’ONU, sur les policiers […] et puis tous les relais qui ont dit que Christophe Castaner était un assassin, que la police était répressive, enfin on se serait cru dans une dictature, tous ces gens-là ont conduit la police à une espèce d’inhibition qui sans doute a été remarquée hier. »

France 3 est parfois tombée dans la manipulation de l’information : le samedi 15 décembre 2018, sur le plateau du 19/20, une photo est projetée en arrière-fond par rapport à la présentatrice. On peut y voir un gilet jaune brandissant une pancarte, sur laquelle on peut lire « Macron », suivi d’un étrange espace blanc. En réalité, le mot « dégage » suivait le mot « Macron ». Mais il a été effacé de l’image. Une « erreur humaine » selon la chaîne. Une véritable dérive éditoriale pour certains journalistes de France 3, selon le site d’information indépendant Arrêts sur Images. Le lendemain, France 3 diffuse la photo d’origine et s’excuse. Libération explique dans un article que la même erreur a été commise … dans l’autre sens. Trois semaines auparavant, un manifestant avec un gilet sur lequel est inscrit « Macron, dégage » avait été rajouté sur une photo… Des retouches graphiques qui ont renvoyé une image partisane du traitement des gilets jaunes.

Sur France 24 également, la propagande infuse, au moins en partie, le discours. Preuve en est avec les propos de Roselyne Febvre, cheffe du service politique de la chaîne, dans l’émission « Politique », diffusée le 28 février 2019 : « Des Gilets jaunes, il ne persiste dans le fond qu’une colère brute parfois irrationnelle, d’où a [émergé] un goût pour la violence, l’antisémitisme, le racisme, le complotisme, bref tout ce qu’il y a de pire chez l’homme ; peut-on encore parler d’un mouvement des Gilets jaunes ? », assène-t-elle. Avant de s’interroger sur le fait que ce mouvement serait devenu « une espèce d’écurie de branquignols », devant l’air ébahi de son interlocuteur.

Sur les réseaux sociaux, une haine de classe débridée

Repéré sur des plateaux de télé ou dans les colonnes de grands journaux, cette haine du mouvement a également été observée sur les réseaux sociaux, dans certaines publications de chroniqueurs, dessinateurs, journalistes ou encore éditorialistes. À commencer par le dessinateur Xavier Gorce qui qualifiait sur le réseau social le mouvement de « facho-plouc de droite antidémocratique », dans la juste continuité de ses caricatures publiées dans Le Monde.

Pour sa part, Bernard Pivot, journaliste et ancien président de l’Académie Goncourt, explique le 17 mars 2019 sur X : « Les kiosques à journaux incendiés symbolisent le refus de l’information, le mépris de la lecture et la guerre déclarée aux mots. »

Dans la même veine, Jean Quatremer, journaliste à Libération et chroniqueur régulier sur plusieurs chaînes d’information en continu, qualifie le 21 novembre 2018, les gilets jaunes de « mouvement de beaufs d’extrême-droite » et de « décérébrés ».

Dès les prémices de la mobilisation, il écrit sur X, le 9 novembre 2018 : « Le peuple qui souffre, mais qu’il est con. » Répondant à un internaute qui l’accusait de verser dans ce mépris de classe, Jean Quatremer répond le 24 mars 2020 : « Les gilets jaunes sont une classe ? Dans ce cas, oui, j’assume ».

En avril 2019, l’éditorialiste de la radio publique France info Renaud Dely s’étrangle face à la « la vermine qui parade chaque samedi » et réduit les critiques dénonçant un régime policier à « des idiots utiles des Gilets jaunes », dans une publication qu’il a par la suite supprimée.

Voilà comment, pendant des mois, de nombreux journalistes employés par des oligarques des médias ou par l’Etat ont en permanence renvoyé le gilet jaune à la figure de l’inculte, fasciste, communiste, antisémite, simplet, en bref, extrémiste et débile. Six ans après la révolte des gilets jaunes, cette violence médiatique a contribué à la défiance d’une grande partie de la population vis-à-vis des médias « mainstream ».

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