Françalgérie
Macron adoube la dictature militaire

François Gèze

Déjeuner au sommet à Alger le 26 aout 2022 entre Emmanuel Macron et les patrons de la junte militaire algérienne (photo Ludovic Marin / AFP)

Alors que le régime militaire algérien vient de franchir un nouveau pas vers le totalitarisme en allant jusqu'à dissoudre la Ligue Algérienne des droits de l'homme (LAADH), Paris accueille en visite officielle pour la première fois depuis 2006 le chef d'état major de l'armée algérienne, le général Saïd Chengriha (6è de gauche à droite, ndlr). Une façon d'adouber un peu plus une junte militaire qui persécute plus que jamais la presse et les organisations de défense des droits humains. Nous reproduisons ci-dessous une analyse de François Gèze, ancien directeur des éditions La Découverte (Editis) parue sur le site Algeria-watch.org le 11 janvier dernier.

L’année 2022 a été marquée par un net réchauffement dans les relations entre les gouvernements français et algérien, à l’occasion de la visite à Alger d’Emmanuel Macron, accompagné d’une importante délégation, du 25 au 27 août. Une « avancée historique » pour le président français, une « visite très réussie » pour son homologue algérien. Ce moment a été immortalisé par une photo proprement extraordinaire : celle du déjeuner réunissant, le 26 août, les deux présidents et leurs plus importants responsables des forces de sécurité.

On y reconnaît, à la gauche d’Emmanuel Macron, le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée française ; et à sa droite, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et Bernard Émié, directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, le contre-espionnage français). Côté algérien, le président Abdelmadjid Tebboune était significativement encadré par quatre galonnés : à sa gauche, le général-major M’henna Djebbar, directeur depuis décembre 2021 de la Direction générale de la lutte contre la subversion, et le général-major Abdelghani Rachedi (hors cadre de la photo de l’AFP (1), directeur de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) ; à sa droite, le général d’armée Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), et le général-major Djamel Kehal Medjdoub, directeur de la Direction générale de la documentation et de la sécurité intérieure (DGDSI).

" Président marionnette "

Extraordinaire, la photo de cette rencontre l’est à un double titre. C’était la première fois que les chefs militaires du régime algérien se donnaient ainsi à voir aux côtés du « président marionnette » dont ils tirent les fils. Et, surtout, c’était la première fois que les dirigeants français reconnaissaient ainsi officiellement la « double nature » de ce régime, en place depuis plus de quarante ans : d’un côté une façade civile, incarnée actuellement par le président Tebboune (« élu » en décembre 2019 avec au moins 85 % d’abstentions (2), de l’autre le pouvoir réel, exercé par les chefs de l’armée (ANP) et de la police politique (hier Sécurité militaire puis Département de renseignement et de sécurité, aujourd’hui structurée en différents services moins visibles, mais toujours au cœur du pouvoir).

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