« En Syrie, c’est la population qui souffre des sanctions internationales, pas le régime »
L’interview de Isabelle Feuerstoss

La ville rebelle syrienne de Jindayris, le 15 février 2023, neuf jours après le séisme ayant fait au moins 40 000 morts de part et d'autre de la frontière Turquo-Syirenne (Photo Omar Hadj Kadour / AFP)

EXCLUSIF. Docteur en géopolitique, arabophone et membre de Arche Suisse beyond borders (ASBB, une ONG aidant les humanitaires et les travailleurs sociaux à prévenir et surmonter les problèmes liés au stress), Isabelle Feuerstoss a longtemps vécu en Syrie et y conserve des attaches familiales. Officier de réserve de l'armée française, elle a mis en place pour le compte du Comcyber (Etat major des armées) un observatoire du cybermonde arabophone (oca). Elle lance un cri d'alarme sur la gravité du drame humanitaire qui frappe les Syriens depuis le déclenchement de la guerre, en 2011. Le bilan du conflit, près de 400 000 morts, a été aggravé par les sanctions internationales qui frappent le régime de Bachar El Assad.

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Le séisme du 6 février dernier aurait fait au moins 42 000 morts de part et d'autre de la frontière turco-syrienne (photo DR)

Jean-Baptiste Rivoire : Bonjour Isabelle Feuerstoss, merci de nous éclairer pour Off Investigation. Est-ce que vous pouvez nous dire un petit mot de la situation en Syrie avant même le tremblement de terre ?

Isabelle Feuerstoss : Bonjour, il faut déjà savoir qu'on ne peut plus parler de la Syrie comme d'une entité unique, souveraine et indépendante. On a une multitude de Syrie. Ce qu'il faut simplement retenir, c'est qu'avant le tremblement de terre, la population, quelle qu'elle soit et où qu'elle se trouve, souffrait énormément. Elle souffrait de tout, notamment du manque de nourriture et d'électricité. Il faut savoir qu’il n'y a pas plus d’une à deux heures d'électricité par jour un peu partout sur le territoire syrien. Dans les campagnes, il n’y en a encore moins. Il n'y a pas de gaz. C'est une catastrophe humanitaire qui était en cours avant même l'arrivée de ce terrible séisme.

" Le salaire moyen d'un fonctionnaire, c'est 17 dollars par mois. Il n'y a plus d'arbres. Les gens se chauffent avec leurs propres meubles "

Les gens, en moyenne, gagnent au maximum 30 à 40 dollars par mois. Mais le salaire moyen, par exemple, d'un fonctionnaire, c'est 17 dollars par mois, avec une inflation des prix complètement délirante. L'accès aux marchandises est extrêmement limité, ce qui fait que la population a énormément de mal à se nourrir. Elle a énormément de mal à se chauffer puisqu'il n'y a plus rien pour se chauffer. Donc les gens vont couper les arbres autour de chez eux, autour des grandes villes. Par exemple, dans la Ghouta, autour de Damas, il y a plus d’arbres. Les gens utilisent tout ce qu'ils trouvent pour essayer de se chauffer. Ils vont jusqu'à se chauffer avec leurs propres meubles, leur propre canapés parce qu’il fait très froid en Syrie. On a encore un hiver très froid donc les gens sont déjà en mode survie. Voilà la situation de la population, où qu'elle se trouve sur ce territoire.

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