Dans le tourbillon du scandale

L'éditeur Philippe Sollers, l'écrivain Gabriel Matzneff et le journaliste Éric Neuhoff à Paris, en 1985 | (photo DR)

Après avoir témoigné en faveur du pédocriminel Jacques Dugué, fin 1981, Gabriel Matzneff va être ratrappé par ses complaisances pédophiles quand éclate fin 1982 le scandale du Coral, un centre d'accueil pour enfants en difficulté du Gard.

Revenons à l’automne 1982, quand éclate le scandale pédophile du centre d’accueil pour enfants en difficulté d’Aimargues, dans le Gard. Par leurs écrits et leurs paroles, Schérer et Matzneff ont fourni le tissu pour qu'on leur taille un costume sur mesure pour figurer dans le ballet du Coral, même s'ils n'y ont joué aucun rôle. On ne prête qu'aux riches. Quelle est alors la réaction de "Gab la rafale", surnom que Matzneff a reçu au service militaire pour son habileté à manier le fusil-mitrailleur ?

La lecture de son journal 1979-1982, titré "Les Soleils révolus" (publié en 2001 chez Gallimard), nous instruit. Du mercredi 13 octobre 1982 (jour de la descente de police au Coral) au dimanche suivant, c'est copie blanche. Matzneff reprend la plume le lundi 18 octobre. Il écrit s'être entretenu avec René Schérer et Bertrand Boulin « Au sujet de ces éducateurs, style barbus soixante-huitards qui vivent dans des fermes, tout ce dont j'ai horreur , qui ont été arrêtés par la police du côté de Nîmes et dont la presse, au mépris du secret de l'instruction, fait ses gros titres. Cette affaire du Coral nous avait déjà occupés samedi soir... » 

Eclaboussés par l'affaire, sinon mouillés, ils ont écrit avec René Schérer et Bertrand Boulin une lettre de protestation au garde des Sceaux, Robert Badinter, que le dimanche, Matzneff a déposée au domicile du ministre : « Il habite, comme moi, près du Luco ». Une missive qui restera lettre morte. Ce même lundi 18 octobre 1982, à 19 heures, Matzneff apprend que Schérer « vient d'être perquisitionné, mis en garde à vue et qu'il se trouve présentement au Quai-des-Orfèvres ! Tout cela à cause des barbus du Coral ! Un philosophe de l'importance de Schérer en garde à vue ! Ces flics sont fous. » Ils ne sont pas fous, ils ne font que suivre les instructions du juge Salzmann, qui 48 heures plus tard pour le même motif inflige la même punition à Matzneff.  

« C’est Frédéric Grendel qui a joint François Mitterrand avant le conseil des ministres. »

Gabriel Matzneff, après son arrestation le 20 octobre 1982

Le mercredi 20 octobre, à l'heure du laitier, la police débarque au domicile de l'écrivain et découvre dans son lit une certaine Pascale qui, ô surprise, vérification faite, est majeure, et donc autorisée à débarrasser le plancher. Avant de partir, son amant lui demande un service : « Sois gentille, préviens Peyrefitte que je ne pourrai pas déjeuner avec lui. » Un flic s'étonne : «  Vous connaissez l'ancien garde des Sceaux ? ». Matzneff répond que oui (ce qui n'est pas faux), mais habilement il ne précise pas que que le Peyrefitte avec qui il doit déjeuner ce jour-là n'est pas Alain Peyrefitte, ministre de la justice sous Giscard d'Estaing, mais un cousin éloigné de ce dernier, Roger Peyrefitte, écrivain sulfureux, faux homosexuel mais authentique pédéraste, qui aimait à dire qu'il aimait les agneaux, pas les moutons.

Comme Matzneff le rapporte dans son journal, la dévouée Pascale a passé d'autres coups de fil : « Elle a aussi appelé Henri Fabre-Luce (un avocat, nda) et quelques amis proches ». Puis, Matzneff ajoute : « C’est Frédéric Grendel qui a joint François Mitterrand avant le conseil des ministres. » C'est vrai que Grendel, scénariste et journaliste, à l'époque sur Europe 1, avait l'oreille du président, pour qui il était un ami et un conseiller. Tonton a ainsi été mis au parfum que l'ami Matzneff étaient dans de beaux draps, qui ne sentaient pas forcément la rose. Pour autant, cette journée du mercredi 20 octobre 1982 ne fut pas pour l'écrivain, orthodoxe en religion mais pas en amour, une épreuve trop éprouvante. Après la perquisition de son domicile, il est conduit au Quai des Orfèvres dans les locaux de la BSP. Un inspecteur lui lit la déposition de Jean-Claude Krief qui déclare avoir vu au Coral l'écrivain se livrer à des actes sur mineurs...

Matzneff dit tomber des nues: « Je vous donne ma parole d'honneur que je n'ai jamais mis les pieds au Coral, je ne sais même pas où ça se trouve, la dernière fois que je suis venu dans la région de Nîmes c'était avec ma femme, juste après notre mariage, en 1970. » Et ce n'est pas une plaisanterie. Le Don Juan des cours de récréation a bel et bien été marié.

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