Convocation « politique » : la police intimide un journaliste

Enzo Rabouy
Enzo Rabouy, reporter d’images indépendant  | Image : Off Investigation

Exclusif | Le reporter d’images indépendant Enzo Rabouy a été interpellé le 4 janvier devant le parvis de Notre-Dame de Paris où il couvrait une action militante. Convoqué quelques jours plus tard au commissariat pour « incitation à la haine », le jeune journaliste a été interrogé pendant près d’une heure sans recevoir aucune justification sur cet étrange motif. Il a accepté de témoigner pour Off Investigation.

Sous une pluie battante, le journaliste Enzo Rabouy et son avocat attendent patiemment, ce 8 janvier 2025, devant le commissariat de police du IXème arrondissement de Paris, où il est convoqué pour « incitation à la haine ». Son tort ? Avoir filmé, quatre jours plus tôt devant le parvis de Notre-Dame de Paris, l’action d’un militant pour la cause palestinienne. Celui-ci avait décidé de grimper, de bon matin, sur un arbre afin d’y accrocher deux drapeaux palestiniens ainsi qu’une pancarte « open Gaza ». Mais, alertés par un témoin de cette séquence, trois policiers s’étaient rendus sur place et avaient interpellé le militant ainsi qu’Enzo Rabouy, lui demandant d’arrêter de filmer, procédant à une vérification de son sac et l’interrogeant sur la source qui l’avait informé de cette action. Le jeune vidéaste, qui a couvert ces dernières années plusieurs mouvements sociaux et diverses actions de terrain, est pour la première fois emmené au poste, où lui a finalement été signifié sa convocation du jour.

Un dossier « très maigre »

Interrogé pendant près d’une heure sur son activité de journaliste et sur les raisons qui l’avaient amené à couvrir l’action militante du 4 janvier, il ne lui sera finalement pas expliqué contre qui était supposé être dirigé « l’appel à la haine » qui lui avait été indiqué pour sa convocation. Ni lui, ni son avocat n’ont reçu de justification sur cet étrange motif. Contactée, la préfecture de police de Paris n’a pour l’heure pas donné suite à notre sollicitation. Notre confrère relate en revanche qu’au commissariat, son interlocutrice, visiblement déconcertée par ce dossier « politique » et « très maigre », lui a expliqué que « le préfet avait accès à la procédure ».

« On s’attaque à un journaliste qui est en train de filmer, de faire son métier […], c’est pour moi un indice que la liberté de la presse en France est menacée. » @Braunavocat Cliquez pour tweeter

Le jeune journaliste comprend qu’il ne pourra être fixé sur son sort qu’après la convocation du militant grimpeur, prévue la semaine prochaine. Son avocat, Me Henri Braun, précise qu’à ce stade, le dossier n’est pas encore classé sans suite, cette décision revenant au parquet. Me Henri Braun dénonce « une intimidation face à la presse » : « On s’attaque à un journaliste qui est en train de filmer, de faire son métier […], c’est pour moi un indice que la liberté de la presse en France est menacée. »

Entretien avec Enzo Rabouy – propos rapportés par Isya Okoué Métogo :

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