Canal + Bolloré
Quand Jean-René Fourtou faisait « entrer le loup dans la bergerie » (20-42)

Jean-Baptiste Rivoire

Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi, accueillant à la tribune Vincent Bolloré, vice-président, à Paris, le 24 juin 2014 (photo Éric Piermont AFP)

En 2010, le vieux chiraquien Jean-René Fourtou, patron de Vivendi, propose ses services à Nicolas Sarkozy pour l'aider à "défendre son bilan" et favoriser sa réelection. Mais dans sa filiale Canal +, les Guignols de l'info et le zapping moquent sans cesse le président. Pour venir l'épauler à Vivendi, Fourtou décide alors de faire appel à un industriel ayant la réputation de contrôler ses médias d'une main de fer : Vincent Bolloré.

Tout commence en 2010. À 72 ans, le vieux chiraquien Jean-René Fourtou, président de Vivendi, se prend une énième « avoinée » de Nicolas Sarkozy au sujet de Canal plus, sa filiale. Impuissant à faire taire ses propres trublions, Fourtou propose alors au locataire de l’Élysée de travailler à valoriser son bilan. Quand une amie lui suggère d’associer discrètement à sa démarche le journaliste Gérard Carreyrou, Fourtou accepte.

"Contrôler Canal +"

Mais au château, le conseiller média du président est sceptique sur la capacité du patron de Vivendi à museler son impertinente filiale. Dans le salon de thé parisien où il nous fait ce récit fin 2019, Camille Pascal se montre d’abord dédaigneux : « Contrôler Canal Plus, il aurait pu le faire, il ne l’a pas fait. […] Il faisait semblant d’aider Nicolas Sarkozy en créant un “truc”, tous les patrons font cela. Il disait : “Je ne viens pas en tant que président de Vivendi, mais en tant qu’ami.” Il l’a fait, il a réuni les “vieux de la vieille”, Mougeotte, Carreyrou, etc. »

« C'était juridiquement compliqué d'intervenir »

Camille Pascal, ancien conseiller médias de Nicolas Sarkozy

Puis, l'ancien conseiller médias de Nicolas Sarkozy nuance sa charge, reconnaissant qu’en 2010, Fourtou n’avait pas forcément les mains libres pour museler Les Guignols : « C’est vrai que les médias privés sont sous concession, et les conventions avec le CSA prévoient une séparation de l’actionnariat et de la politique éditoriale. C’était donc juridiquement compliqué d’intervenir. » Soudain tétanisé, Camille Pascal baisse la voix pour évoquer la révolte des salariés de Canal Plus en 2002 contre l’éviction de leur patron historique, Pierre Lescure : « Bruno Gaccio et sa bande avaient envahi le CSA. Je m’en souviens encore, j’y étais ! », souffle-t-il.

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