Autoroutes
Le racket d’Eiffage et Vinci parti pour durer

Arnaud Murati

Le 22 mars dernier, devant une commission de l'assemblée nationale, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a annoncé vouloir remettre les concessions autoroutières et leurs juteux profits dans le droit chemin. Une sacrée idée, quinze ans après les avoir cédées lui-même en tant que directeur de cabinet de Dominique de Villepin ! Mal encadrées par l’État, protégées par une culture du secret, certaines sociétés concessionnaires d’autoroutes rackettent les automobilistes depuis une quinzaine d'années, avec la complicité bienveillante des politiques. Voici comment.

L’argent ne fait pas le bonheur ? Les actionnaires de Vinci Autoroutes et de la plupart des sociétés qui bénéficient d’une concession autoroutière en France ont sans doute un autre point de vue. Selon un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) remis au ministre de l’Economie en février 2021 (et tenu au secret jusqu’à sa divulgation récente par Le Canard Enchaîné et Marianne), les taux de rentabilité interne (TRI) « actionnaire » de ASF-Escota (Vinci Autoroutes) et d’APRR-AREA (groupe Eiffage) sont « de 11,77 % et 12,49 % respectivement, très supérieur au coût des fonds propres estimé à 7,67 % lors de la privatisation de 2006 ». En clair, cela signifie que depuis plusieurs années, Vinci Autoroutes et APRR dégagent 4 à 5 points de marge de plus que prévu avec les autoroutes françaises, ce qui se traduit par des milliards d’euros de surprofits.
Comment est-ce possible ? Amené à s'expliquer sur ces taux de profits mirifiques devant les commissions du développement durable et des finances de l’Assemblée nationale le 22 mars dernier, Bruno Le Maire a notamment déclaré : « Sur le TRI actionnaire, les calculs que nous avions faits n’ont pas été bons. Ils ont été démentis par les niveaux des taux d’intérêt, que nous n’avions pas anticipés (…) Nous nous sommes trompés et nous avons sous-évalué l’avantage financier que pouvait en tirer la société concessionnaire ». L’explication est d’autant plus cocasse qu’elle provient de celui qui a été la cheville ouvrière de la mise en concession d’une bonne partie des autoroutes françaises en 2006 : à cette époque, Bruno Le Maire était... le directeur de cabinet de Dominique de Villepin, alors Premier ministre !

« Les rentes, on les taxe… »

Ainsi le ministre de l’Economie convient-il désormais que certaines sociétés d’autoroutes dégagent des marges plus que confortables, sachant que 98% de leurs recettes proviennent des péages acquittés par les automobilistes. Et il promet de s’en occuper : « Je suis totalement opposé aux rentes. Les rentes, on les taxe et on récupère largent pour protéger les plus modestes » a-t-il encore annoncé à l’Assemblée. Le chemin pour y parvenir ne sera toutefois pas évident. M. Le Maire, visiblement peu pressé, veut d’abord faire évaluer la sur-rentabilité d’APRR et de Vinci Autoroutes par le Conseil d’Etat, afin de lui demander ensuite un avis juridique incontestable sur ce qu’il sera possible de faire ou de ne pas faire pour redresser la situation. Selon toute vraisemblance, une réduction de la durée de certains contrats serait « la voie qui nous parait juridiquement la plus solide » a encore annoncé le ministre.

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