Auto-Entrepreneurs
Comment les Macronistes les empêchent d’accéder au salariat (2-2)

Orian Lempereur-Castelli

Un livreur Uber Eats proteste contre un règlement municipal interdisant la livraison en scooter thermique dans le centre ville de Nantes, le 12 mars 2021 (Photo Loic VENANCE / AFP)

A partir de 2016, l’utilisation systématique du statut d’auto-entrepreneur par des entreprises cherchant à contourner le droit du travail provoque une réaction des employés : ils demandent à la justice de reconnaître qu’ils sont en réalité des « salariés ». Depuis, macronistes et lobby des assureurs s’activent pour maintenir les auto-entrepreneurs en dehors du salariat, quitte à les inciter à se tourner vers le privé pour leur protection sociale.

A l’été 2016, avec la liquidation judiciaire de la plateforme de livraison Take Eat Easy -une start up concurrente d’Uber Eats- une soixantaine de livreurs auto-entrepreneurs réclament aux Prud’hommes d’être requalifiés en salariés. Ils accusent les plateformes d’utiliser l'auto-entreprenariat pour échapper aux cotisations patronales.
A la même période, l’Inspection du Travail ouvre une enquête contre la plateforme de livraison Deliveroo pour « travail dissimulé et fraude aux cotisations sociales ». L'URSSAF porte plainte, le tribunal correctionnel de Paris est saisi. La plainte aboutit 6 ans plus tard, en avril dernier, à la condamnation de Deliveroo à régler une amende de 375 000 euros pour « travail dissimulé »

« Il y a connivence entre le politique, les plateformes et le parquet »

Kevin Mention, avocat de livreurs auto-entrepreneurs

Si l’avocat des coursiers partie civile, Maître Kevin Mention, se félicite d’une décision historique qui reconnaît qu’ « il n’y a pas d’indépendance » entre les employés et les plateformes, comme le voudrait le statut d’auto-entrepreneur, il pointe aussi un certain « laxisme dans les poursuites pénales ». Dans le cas de Deliveroo, par exemple, les poursuites s’arrêtaient à 2017, or la situation empira par la suite. Pour l’avocat des employés de Deliveroo, le parquet, qui dépend du gouvernement, serait sous pression des macronistes : « Je ne peux pas croire qu’il n’y a pas des ordres derrière (…) il y a connivence entre le politique, les plateformes et le parquet ».

2019 : les plateformes recrutent ... le créateur du statut

Malgré leur proximité avec le sommet de l’Etat, les plateformes comme Uber, Frichti, Deliveroo, Stuart, ou Staffme doivent s'organiser pour pouvoir continuer à contourner le droit du travail. En septembre 2019, elles créent l’Association des Plateformes Indépendantes (API) et en confient la présidence à … Hervé Novelli. Pour 4000 euros par mois, selon les dires de Novelli lui même, les plateformes s’offrent ainsi les services de celui qui avait créé en 2008 le statut d'auto-entrepreneur dont elles profitent aujourd’hui.
Du point de vue de l’ancien ministre, n’y voyez aucun conflit d’intérêt : « défendre les intérêts des plateformes », ce serait « défendre les intérêts des auto-entrepreneurs » (sic).
Côté auto-entrepreneurs, les deux présidents des deux organisations d'auto-entrepreneurs, Grégoire Leclercq et François Hurel, continuent à défendre le statut bec et ongle. Mais Grégoire Leclercq reconnaît ne pas comprendre ce qu’Hervé Novelli est « allé faire dans cette galère ».
A l'instar de l'ancien secrétaire d'Etat de Nicolas Sarkozy, les Macronistes continuent eux aussi à soutenir inconditionnellement les plateformes qui contournent le droit du travail. Au lancement officiel de leur association API, en 2019, le gouvernement était représenté par Franck Morel, conseiller social du Premier Ministre Edouard Philippe. En 2021, le président des plateformes, Hervé Novelli était promu chevalier de la légion d’honneur. Il démissionnera de la présidence de l’API en septembre 2022  « lorsque les plateformes de transport ont pris de facto le lead », nous explique-t-il.

Vous devez être abonné.e pour voir ce contenu

Déjà abonné.e ?