« Au boulot, feignasses ! »
La fausse bonne idée des macronistes pour « réinsérer les chômeurs »

Thierry vincent

Le 21 novembre 2022, le ministre du travail, Olivier Dussopt, annonce un nouveau durcissement des règles d'indemnisation des chômeurs jugé "innacceptable" par l'ensemble des syndicats (Photo Bertrand GUAY / AFP)

À compter du 1er février, pour la seconde fois depuis 2019, les macronistes vont mettre la pression sur les chômeurs. Cette fois en réduisant de 24 à 18 mois leur période d'indemnisation. Raison avancée : avec "seulement 7,3% des actifs au chômage", la France serait "en marche vers le plein emploi". Régulièrement relayé par les médias d'état et ceux des milliardaires soutenant l'exécutif, ce chiffre officiel minimise le chômage réel. En réalité, près de 21% des actifs sont inscrits à Pôle emploi. Un chiffre stable depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée. Selon la CGT, près de 10 millions de personnes seraient privés d'emplois stables en France. Près d'un tiers des actifs. Et paradoxalement, leur " mettre la pression " n'aidera pas forcément à les réinsérer...

Polie et résignée, cette quadragénaire prend le tract sans conviction. " C'est bien ce que vous faites, mais franchement, je n'ai plus la force d'aller me prendre des lacrymos dans les manifs, j'ai trop de problèmes au quotidien.  Là je suis en fin de droit, je vis au jour le jour". Devant cette agence Pôle Emploi d'Aubervilliers (Seine St-Denis), Pierre Garnodier, 32 ans, secrétaire national de la CGT chômeurs venu tracter pour inciter les personnes sans emploi à se joindre à la manif du 19 janvier contre  la réforme des retraites, a l'habitude de ce genre de réactions : " Quand ta préoccupation c'est de remplir ton frigo, c'est difficile de te mobiliser ". 

ierre Garnodier, secrétaire national de la CGT chômeurs, devant l'agence Pôle emploi d'Aubervilliers, janvier 2022.

La plupart des chômeurs rencontrés ce jour-là sont pourtant révoltés par le traitement qu'ils subissent. Beaucoup promettent de rappeler la CGT chômeurs pour se joindre à ses différentes actions, mais combien le feront effectivement ? « Les chômeurs ont beaucoup de mal à se mobiliser, il y a la honte, et puis beaucoup d'entre eux sont en situation de fragilité psychologique » estime Yann Gaudin. Agent de Pôle emploi, il a longtemps été " lanceur d'alertes " au travers d’un blog très populaire informant les sans emploi de leurs droits (souvent ignorés), avant d’être licencié en 2020.

Les chômeurs, des " feignasses " ?

De fait, en 4 ans, deux réformes de l'assurance chômage (dont celle qui entre en vigueur ce 1er février) ont précarisé encore d'avantage la vie des chômeurs. Soit en diminuant leur durées d’indemnisation, soit en réduisant le montant de leurs indemnités. Des réformes passées comme des lettres à la poste, sans aucune contestations de masse dans la rue. Fait symptômatique, la CGT est le seul syndicat à avoir une section " chômeurs ". Il faut dire que l'opinion publique a une piètre image des sans-emploi : selon la dernière édition du baromètre Unédic publiée en décembre dernier, la moitié des Français (49 %) pensent que les chômeurs ne « cherchent pas vraiment du travail ». Pour 50 % des personnes interrogées, la principale responsabilité du chômage incombe au chômeurs eux-mêmes, devant les entreprises (45 %). En gros, ce seraient des " feignasses " qu'il faudrait forcer à travailler.

Matraquage médiatique

Pas étonnant quand on voit le matraquage médiatique qui a contribué à intoxiquer l'opinion ces dernières années. Sur LCI, chaîne info du groupe Bouygues, l'émission " 24h Pujadas " affirmait le 12 septembre dernier qu'en France, il serait "plus rentable d'être au chômage que de travailler". Problème: les chiffres étaient faux, comme l'a ensuite admis du bout des lèvres l'ancienne star du 20h de France 2. Une " fake news ", en quelque sorte, comme l'a démontré Acrimed.
Autre intox : l'idée que l'exécutif aurait obtenu une forte baisse du chômage en France (si l'on en croit les chiffres officiels) ou que " un million d'offres d'emplois ne seraient pas pourvues " (comme l’assénait Valérie Pécresse durant la campagne présidentielle de 2022). Même l'horizon d'un possible « retour au plein-emploi » semble avoir marqué les esprits. Des idées fausses, ou en tout cas procédant de raccourcis fallacieux, si l'on y regarde de plus près.

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