Extrême droite à 37%
Ces scandales qui ont discrédité la macronie

Marine Le Pen
Marine Le Pen s’adresse à ses troupes le 9 juin 2024 au Pavillon Chesnaie du Roy, à Paris, après que son parti ait rassemblé 31,5% des suffrages aux élections européennes et que Emmanuel Macron ait annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. (Photo JULIEN DE ROSA / AFP)

Avec à peine 15% des suffrages aux élections européennes, la liste macroniste Renaissance s’est faite écraser par le Rassemblement National qui a obtenu plus du double de son score. Disqualifié, Emmanuel Macron subit les conséquences de sept années de vénération de la mondialisation et de son dédain envers la population et l’éthique publique.

Infographie interactive de sept scandales ayant émaillé les quinquenats Macron (Fabien Rives)

Tous les sondages l’annonçaient. Le raz de marée nationaliste est arrivé. Avec 31,5% des voix (près de 37% si on ajoute le score de Reconquête!, le parti d’Eric Zemmour et de Marion Maréchal), l’extrême droite a atteint son plus haut niveau historique jamais atteint lors d’élections européennes en France. Dans de nombreuses grandes villes, d’importantes manifestations spontanées ont eu lieu pour dénoncer la dérive droitière qui se profile. On y a notamment entendu de nombreux jeunes scander un vieux slogan : « La jeunesse emmerde le Front National ».

Depuis la révolte des gilets jaunes, en 2018, et sa sévère répression, le Rassemblement National cartonnait dans les urnes. D’abord en raison de la politique mondialiste menée par Emmanuel Macron. Depuis sept ans, l’ancien banquier d’affaires de Rotschild et son secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, qui ont toujours été passionnés par les fusions-acquisitions industrielles, ont été pris à plusieurs reprises en flagrant délit de bradage de notre patrimoine industriel.

Dès 2012, dans le plus grand secret, Emmanuel Macron avait par exemple commandé depuis le secrétariat général de l’Élysée une note pour envisager la revente du fleuron français Alstom. Quelques mois plus tard, ce fabricant de turbines pour réacteurs nucléaires implanté à Belfort avait été bradé à l’américain General Electric. Au passage, des cabinets de lobbying, des banques d’affaires et quelques sarkozystes reconvertis dans les affaires s’étaient enrichis à millions.

Pour en rester à Alexis Kohler, indéboulonnable secrétaire général de l’Élysée depuis 2017, sa tendance à mélanger ses casquettes de grand serviteur de l’Etat (et donc, en principe, de l’intérêt général) et celle de serviteur de sa famille (via le géant maritime italo-suisse MSC, auprès duquel il est parti pantoufler à plusieurs reprises) n’a pas arrangé l’image de la macronie. Révélés dès 2018 par Mediapart, ses conflits d’intérêt ont débouché en septembre 2022 sur sa mise en examen pour « prise illégale d’intérêts ».

Reniant tous ses engagements, Emmanuel Macron l’a néanmoins maintenu à son poste. Tout en torpillant l’agrément d’Anticor, l’association anticorruption ayant porté plainte dans l’affaire Kohler. En janvier, sous la pression de l’exécutif, la direction de france télévision avait censuré la rediffusion d’un Complément d’enquête rappellant les conflits d’intérêts du secrétaire général de l’Élysée que nous vous avions raconté dans le détail dès notre premier épisode de la saison 1 de « Emmanuel, un homme d’affaires à l’Élysée ».

Dès le début de son quinquennat, Emmanuel Macron avait par ailleurs cru pouvoir alourdir la fiscalité du carburant, ce qui pénalisait gravement les petits salariés de province, tout en supprimant l’impôt sur la fortune (ISF). Terrible, le symbole lui avait collé pour longtemps une étiquette de « président des riches » (voire des ultra riches, comme le moquera François Hollande), dont il n’est jamais parvenu à se détacher. Ces mesures avaient surtout été à l’origine de la révolte des gilets jaunes, que la macronie réprima sévèrement durant plusieurs mois (Un décès colatéral, celui de Zineb Redouane, 4500 Blessés, une cinquantaine de mutilés à vie, la plus grave répression d’un mouvement social en France depuis le massacre d’octobre 1961 au cours duquel une centaine d’algériens manifestant pacifiquement pour l’indépendance avaient été assassinés en plein Paris par la police du préfet Maurice Papon).

Comme si cette politique en faveur des ultra-riches (dont des oligarques des médias, comme Bernard Arnault, Patrick Drahi ou Xavier Niel, tous fervents soutiens d’Emmanuel Macron) ne suffisait pas, Emmanuel Macron s’est évertué à discréditer, affaiblir ou rendre inhumain la plupart des services publics. En région, cet affaiblissement des postes, tribunaux, caisses de sécurité sociales, préfectures, désormais souvent inaccessibles (sauf via internet et son cauchemar de harcèlements numériques) a laissé des millions de français abandonnés à eux mêmes ou à des opérateurs privés hors de prix. Symbole de cette casse délibérée des services publics : les hopitaux, gérés à l’économie, au risque de provoquer des burn-out parmi le personnel et de mettre en danger la vie des patients.

Si on ajoute à cela les petites tricheries d’Emmanuel Macron sur son patrimoine, ou il a tout fait durant des années pour échapper à l’ISF (avant de le supprimer), dissimuler des prêts intrafamiliaux, voire escamoter une partie de ses rémunérations de banquier d’affaire, on peut comprendre l’exaspération d’une partie des français vis-à-vis d’un président aussi peu civique.

Ces derniers mois encore, nous tombions de notre chaise en découvrant l’ampleur de la complaisance du président français vis-à-vis des GAFAM américains, ces Google, Amazon, Facebook, Apple ou Microsoft qui ont un peu trop tendance à contrôler les rouages de la planète… tout en payant très peu d’impôts dans les pays qu’ils investissent. Non content d’avoir joué les VRP d’Uber au coeur de l’Etat quand il était ministre de l’économie, Emmanuel Macron a également déroulé un invraisemblable tapis rouge à amazon et Microsoft, quitte à torpiller le petit commerce en France et voir nos données de santé pillées par les américains.

Dans le même temps, en validant traité de libre échange sur traité de libre échange, Emmanuel Macron a contribué à torpiller l’agriculture française, incapable de lutter à armes égales contre les exploitations industrielles d’amérique du sud ou d’ailleurs, tout en respectant la planète. Sur ce sujet, un consensur se dessine pourtant en France sur la nécessité de consommer « local ». Pourquoi n’avoir pas instauré un minimum de protectionnisme agricole ? Probablement pour ne pas handicaper les investissements étrangers du CAC 40. Mais là encore, gouverner, c’est choisir.

Ces dernières années, la conversion du Rassemblement National de Marine Le Pen au libéralisme et les incessants clins d’oeil d’Emmanuel Macron à l’extrême droite auront achevé de convaincre le CAC 40 qu’une alternance était envisageable avec le Rassemblement National. Comment expliquer autrement le rouleau compresseur médiatique qui s’est mis en place depuis quelques années à l’appui des thèses du RN ? de Patrick Drahi (BFMTV) à Bernard Arnault (Le Parisien, les Échos) en passant bien sûr par l’empire médiatique du milliardaire breton d’extrème droite Vincent Bolloré, les plateaux télé des oligarques regorgent d’informations biaisées de nature à discréditer « les étrangers » et « les migrants », voire de propos carrément racistes, rarement sanctionnés par une autorité de régulation qui ne régule pas grand chose et dont l’autorité émane du président de la République, qui nomme son président.

Après autant d’entailles, voire de coups de canif dans le pacte démocratique français, comment s’étonner que la macronie soit désormais discréditée, et que ce discrédit profite aux extrèmes ? Si dans certaines villes et parmi la jeunesse des quartiers populaires, c’est souvent la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon qui tire le mieux son épingle du jeu, force est de constater que dans les campagnes et les zônes péri-urbaines, sociologiquement moins sensibles à la cause palestinienne (dont LFI a fait un axe de campagne en raison du génocide en cours à Gaza), c’est le parti de Marine Le Pen qui recueille le plus grand nombre de suffrages.

Sans préjuger du résultat des législatives à venir, il est clair que seul, un retour à une certaine éthique publique, avec des dirigeants soucieux de l’intérêt général des citoyens, aurait des chances d’améliorer la situation du pays. De ce point de vue, il n’est pas certain que la logique de guerre civile souvent promue ces dernières années par l’extrême droite soit de nature a apaiser la situation.