Pape du “minitel rose”, Xavier Niel a fait fortune dans les années 1990 via des messageries érotiques et des sex-shops. Un passé que le principal soutien d’Emmanuel Macron, aujourd’hui propriétaire du groupe Le Monde et compagnon de Delphine Arnault, peine à assumer. Série extraite du documentaire « Délinquants et ultra-riches, comment ils ont fait élire Macron » (6/6)
Dans les années 1980, bien avant Internet, le minitel, un petit appareil loué par France Télécom offrait aux utilisateurs un accès à des services variés, du simple annuaire jusqu’à des « messageries roses », plus coquines. Accessibles via des numéro type « 3615 », elles permettaient de “chatter” à distance via le clavier du minitel avec des hôtesses érotiques. À la clé : des communications téléphoniques surtaxées. Alors jeune lycéen à Créteil (Val de Marne) et fan d’informatique, Xavier Niel va se lancer dans ce business lucratif en proposant aux grands médias de les aider à créer leurs propres messageries roses pour maximiser leurs revenus.
Rapidement installé passage de Crimée, dans le 19è arrondissement parisien, il encourage ses hotesses à entretenir des dialogues interminables avec les clients, ce qui lui permet d’engranger des millions de francs en quelques mois seulement. « Le système fonctionnait comme un véritable piège à clients. Les animatrices devaient entretenir le plus longtemps possible le dialogue, ce qui créait de l’excitation dans le cerveau de l’homme, du client. C’était du proxénétisme intellectuel », estime aujourd’hui Claudia Tavares, ancienne collaboratrice de Xavier Niel.
À pseudos provocateurs, clients pédophiles
L’une des caractéristiques les plus controversées des messageries érotiques exploitées par Xavier Niel : l’utilisation par ses hotesses de pseudos de nature à faire croire qu’elles étaient adolescentes. Selon Claudia Tavarès, des pseudonymes du type « Jeune fille 11 ans, à enculer » était parfois utilisés pour attirer une clientèle spécifique, parfois pédophile. L’ancienne collaboratrice de Niel détaille : « On nous demandait d’utiliser ces noms, même si on savait que c’était illégal et dangereux. Cela attirait des profils louches, et on avait peur que cela dérape. ». Contacté à propos de ces pseudos, Xavier Niel nie via son avocate : « Xavier NIEL n’a jamais créé ni incité à créer de pseudos à caractère pédophile sur le minitel rose. Au contraire, le travail des employés était notamment d’assurer la modération et de bannir les utilisateurs ayant de tels pseudos. »
Une perquisition explosive dans les bureaux de Niel
En 1996, la gendarmerie effectue une perquisition au siège de Worldnet, la société de services internet crée par Xavier Niel en parallèle de ses activités dans le minitel rose. Dans ses serveurs informatiques, les enquêteurs découvrent des fichiers à caractère pédopornographique.
Niel expliquera que ces fichiers provenaient de sources externes et qu’il n’en avait pas conscience. Mais selon Tavarès, elle et ses collègues auraient reçu pour consigne de détruire des archives quelques heures avant cette perquisition. Au final, l’affaire a fait l’objet d’un non lieu, la justice considérant qu’il n’était pas prouvé que Niel avait une responsabilité dans les contenus pédocriminels trouvés dans ses serveurs.
L’extension du business : sex-shops et prostitution clandestine
Par la suite, Xavier Niel diversifia ses investissements dans des sex-shops et boutiques érotiques à Paris et Strasbourg. Ces établissements fonctionnaient principalement via des paiements en liquide, avec une double comptabilité.
Certains de ces sex-shops auraient servi de façades pour des réseaux de prostitution clandestine. Des anciennes employées affirment avoir été contraintes de participer à des activités illégales, sous la pression de la direction.
En 2004, Xavier Niel se défend : « Oui, j’ai investi dans des sex-shops pour des raisons économiques. Mais je nie formellement toute implication dans le proxénétisme ou la prostitution forcée. » Renaud Lecadre, journaliste de Libération ayant chroniqué le procès de Xavier Niel en 2006 décrit un « abus de bien social » : « Il aimait bien faire des bénéfices à la mords-moi le noeud ! » Claudia Tavares ajoute : « Niel était un génie du business, mais son empire reposait sur des pratiques douteuses, et parfois illégales. Le côté humain, ça ne comptait pas. ». En 2006, Niel sera condamné à 250 000€ d’amende et deux ans de prison avec sursis pour « abus de biens sociaux ».
Vers le pactole d’internet
Malgré ce passé trouble, Xavier Niel sut se réinventer dans les années 2000 avec la création d’Iliad-Free, le premier opérateur à révolutionner le marché des télécoms français en cassant les prix de la téléphonie mobile avec des offres à 2€/mois (quand Orange, Bouygues et SFR facturaient les leurs plus de 20€/mois) et en offrant la première box internet accessible à tous.
En 2010, Xavier Niel rencontrera Emmanuel Macron en voulant racheter Le Monde quand ce dernier conseillait les représentants du journal en tant que banquier d’affaires chez Rothschild & co. Ils deviendront amis, au point de visiter ensemble la Silicon Valley, en Californie, en 2014.
Macron, « super président »
Puis, Niel et ses médias (Le Monde, l’Obs, …) soutiendront la candidature de Macron lors de la présidentielle de 2017. Et l’ancien roi du minitel rose continuera à le soutenir l’actuel président de la République dans les tempêtes. Au plus fort de la répression des gilets jaunes, en décembre 2018, Niel déclarera sur Europe 1 à propos d’Emmanuel Macron : « On a un super président ». Mais Niel n’est pas sectaire : aux dernières nouvelles, selon nos informations, il vanterait désormais à certains proches Jordan Bardella, le président du Rassemblement National…