Le 20 décembre, une trentaine d’avocats se sont rassemblés à Nice pour soutenir leur confrère Kada Sadouni. Celui-ci est accusé d’outrage par des gendarmes qui, en juillet dernier, lui avaient manqué de respect après l’avoir confondu avec un gardé à vue. De son côté, l’avocat porte plainte pour discrimination raciale, injures et séquestration.
Ils étaient une petite trentaine d’avocats, certains leur robe sur le bras, devant la gendarmerie de Saint-Isidore à Nice, le 20 décembre. Tous venus apporter leur soutien à leur confrère Kada Sadouni, convoqué pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique », à la suite d’une plainte déposée par les gendarmes dont le jeune avocat explique avoir subi des remarques racistes, en juillet dernier, alors qu’il se rendait à la gendarmerie de La Trinité de Nice, pour s’entretenir avec un client.
Un avocat niçois accusé d’outrage dépose plainte contre des gendarmes pour "séquestration et discrimination raciale", ses confrères se mobilisent pour le soutenir
— Nice-Matin (@Nice_Matin) December 26, 2024
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Les avocats présents n’ont pas été les seuls à apporter leur soutien à leur collègue : le 20 décembre également, Emmanuel Brancaeloni, bâtonnier de Nice, a déposé une motion du Conseil de l’ordre des avocats de Nice et fermement condamné une « plainte déposée par opportunisme » et « tout propos contraire à la dignité tenue par des enquêteurs à l’encontre d’un avocat ». Le Syndicat des avocats de France, l’Union des jeunes avocats de Nice et l’Association des avocats intéressés par le droit pénal ont également apporté leur soutien à Kada Sadouni.
Soutient à notre confrère face à des méthodes qui n'ont pas leurs places dans un État de Droits !!@OrdreavocatsN @cnb @fnuja @syndicatavocats pic.twitter.com/gmUMgYhvlm
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« Les gens comme vous, je les connais »
Dans un entretien accordé au Média, le jeune avocat niçois explique avoir été victime, le 21 juillet dernier, d’un racisme décomplexé et d’une négation de sa profession, lors de sa venue à la gendarmerie de La Trinité, à Nice. De permanence, il y intervenait pour défendre un gardé à vue. Annoncé à l’accueil et présenté avec sa carte professionnelle, il a été conduit dans une petite salle pour s’entretenir avec son client.
Après 15 minutes d’entretien, Kada Sadouni explique avoir toqué à la porte pour sortir. Sans succès. De l’autre côté de la cloison, il entend les gendarmes chuchoter et ricaner, sans lui ouvrir. Il frappe donc à plusieurs reprises, en précisant haut et fort qu’il est avocat, et qu’il souhaite sortir immédiatement. La situation se corse lorsque la porte finit par s’ouvrir : plusieurs gendarmes seraient entrés dans la salle pour l’intimider. Rapidement rejoints par leur major, celui-ci aurait alors lancé à Kada Sadouni : « Les gens comme vous, je les connais », avant de le menacer de garde à vue pour « outrage à agent ». Le jeune avocat explique avoir tendu ses poignets. « Je ne vais pas vous mettre en garde à vue parce que sinon vous allez sortir et jouer le discours de la victimisation », lui aurait signifié le major, ajoutant que la chemise et la profession de l’avocat ne changeaient rien à la situation. « Je comprends que pour lui, je reste un arabe », explique Kada Sadouni.
« La discrimination est flagrante. Pour le seul motif que je serais perçu comme arabe, je serais un gardé à vue »
Le major aurait alors adressé des propos encore plus explicitement racistes à Kada Sadouni : « Ici on est en France, ce n’est pas votre pays, vous n’êtes pas chez vous. » Kada Sadouni, choqué, explique avoir demandé à son interlocuteur de préciser ses propos. Après un silence entendu entre les gendarmes présents, le major aurait rectifié : « Vous n’êtes pas chez vous en gendarmerie. » « J’ai rétorqué à ce brave gendarme que j’étais arabe et fier de l’être, raconte Kada Sadouni. Mais que j’étais aussi citoyen français et surtout avocat en fonction. »
Un autre gendarme intervient alors, suivi de deux collègues qui viennent ensuite s’excuser auprès de l’avocat. L’un deux tente d’écarter toute suspicion de racisme, assurant que l’incident serait le premier de ce genre. L’explication penche alors sur un malentendu de la brigade, qui aurait confondu Kada Sadouni avec un gardé à vue. « C’est là où la discrimination est flagrante. Pour le seul motif que je serais perçu comme arabe, je serais un gardé à vue », constate le jeune avocat qui relate tout de même l’incident dans une observation écrite. En retour, il recevra une convocation directement à son cabinet, pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique ». Une tournure irrationnelle pour l’avocat : « C’est moi qui ai été enfermé, qui ai été confondu avec un gardé à vue, qui reçoit des insultes racistes et c’est moi qui suis convoqué… »
Encouragé par son avocat et la réponse de la profession à la suite de cet épisode, Kada Sadoui a porté plainte contre les gendarmes de La Trinité le 2 décembre, pour « injures à caractère raciste », « discrimination raciale » et « séquestration » auprès du procureur de la République de Nice. « Moi mon problème dans cette affaire, c’est qu’on me dispute ma qualité d’avocat depuis maintenant trois ans, confie Kada Sadoui. J’ai souvent des petits incidents qui viennent chaque fois me rappeler que des personnes n’arrivent pas à accepter que des personnes racisées puissent occuper de telles fonctions ». L’audition de Kada Sadoui pour « outrage à agent » a été finalement reportée.
Contactés, ni la gendarmerie ni le ministère de l’Intérieur n’ont pour l’heure donné suite à notre sollicitation.
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