Nicolas Sarkozy
De la défense des milliardaires au ministère de l’intérieur (3-42)

Jean-Baptiste Rivoire

Le 1er janvier 1990, Jacques Chirac présente ses voeux de bonne année au siège du RPR, à Paris (Photo: Daniel Janin/AFP)

En 1983, alors dauphin de Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy se fait élire à sa place à la mairie de Neuilly. Devenu avocat d'affaires en parallèle de son mandat municipal, il crée Neuilly communication, un club rassemblant des notables locaux. Dans ce contexte, il aurait alors proposé à certaines entreprises des hauts de Seine de rémunérer son cabinet d'avocat pour contribuer au financement de sa carrière politique. Dans les années 1990, il se met au service d'oligarques des médias comme Francis Bouygues (TF1) ou Arnaud Lagardère (Paris Match, le JDD,...). Lors de la présidentielle de 1995, soutenu par leurs puissants médias, il abandonne Jacques Chirac pour soutenir Edouard Balladur. Malgré cette trahison et l'élection de Jacques Chirac, il redevient incontournable au RPR, au point d'être nommé ministre de l'intérieur en 2002.

Dès son élection à la mairie de Neuilly, à l'âge de 28 ans, le jeune avocat d'affaires Nicolas Sarkozy développe d'intenses relations avec les grandes entreprises des Hauts de Seine, département le plus riche de France. A l'époque, Jacques Dupuydauby est président de la Société commerciale d’affrètement et de combustible (SCAC), une entreprise spécialisée dans le transit douanier en Afrique dont le siège se situe dans le quartier de la Défense. Un matin de 1983, il reçoit un coup de fil : « Monsieur le Président, j’ai la secrétaire du maire de Neuilly au téléphone.
– Euh… Dites-moi, le maire de Neuilly, c’est qui ?
– Un jeune, je crois… Un certain… Sarkozy. »

« Il va y avoir des gens qui seront mes amis et les autres »

Nicolas Sarkozy, 1983

Dupuydauby est invité à passer à la mairie « pour faire connaissance avec Monsieur le maire ». Intrigué, ce gaulliste à l’ancienne propose plutôt au jeune – il a alors 28 ans – et nouvel édile de Neuilly de venir déjeuner à son siège. Élevée au bon grain de la « Françafrique », la SCAC sait recevoir ses invités avec huissier et maître d’hôtel. Trente-huit ans après, aucun témoin ne peut confirmer la véracité de la scène qui va suivre, mais Dupuydauby affirme s’en rappeler comme si c’était hier : « D’entrée, Nicolas Sarkozy m’explique qu’il sera député de la circonscription en 1986 et qu’il a besoin d’aide. Je lui ai dit que si cela lui faisait plaisir, je lui paierai ses affiches de campagne. Manifestement, cela ne lui suffisait pas. Je lui ai alors demandé s’il voulait devenir ministre ? Premier ministre ? Président ? ». Selon Dupuydauby, Nicolas Sarkozy n’aurait pas démenti et lui aurait expliqué qu’il lui fallait beaucoup d’argent pour sa carrière et qu’il constituait un cercle d’amis pour l’aider. En clair, le jeune édile aurait suggéré au patron de la SCAC de le rémunérer comme avocat de son entreprise, Dupuydauby aurait fermement refusé. Nicolas Sarkozy lui aurait alors lâché : « il va y avoir des gens qui seront mes amis et les autres ». Et avant que le maître d’hôtel n’ait eu le temps de servir le fromage, il aurait lâché à Dupuydauby un tonitruant « Je m’en souviendrai » avant d’être raccompagné par l’huissier. Déjà évoquée en 2011 par deux confrères du Monde sans être démentie ni contestée en justice par le principal intéressé, cette scène nous a été confirmée par Jacques Dupuydauby presque mot pour mot en 2021. Contacté, Nicolas Sarkozy n’a pas souhaité s’exprimer.

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