
Le gouvernement refuse tout retour en arrière sur l'allongement de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Pour défendre cette réforme imposée aux Français en mars 2023 (et toujours massivement rejetée dans les sondages), l'exécutif s’appuie sur des données contestées. Décryptage d'Eric Le Bourg, chercheur retraité du CNRS en biologie du vieillissement.
Le débat sur les retraites, dans lequel le pays est de nouveau plongé depuis plus de trois mois, est légitime en ce sens que, s’il y a un problème de financement, ce qui est peut-être à relativiser, les partenaires sociaux et le gouvernement doivent s’en inquiéter. On s’attend donc à ce que les acteurs, se basant sur des données incontestables, fassent avancer leurs solutions, le patronat souhaitant limiter le coût du financement et les syndicats protéger la retraite des salariés.
Bon gré, mal gré, on se dirigerait alors vers un compromis ne faisant plaisir à personne, comme tout compromis, mais réglant le problème par le haut. Le monde serait parfait… à condition de se baser sur des données incontestables, mais c’est là où le bât blesse. Des raisonnements erronés, de bonne foi ou flirtant peut-être avec la mauvaise foi, polluent le débat, généralement dans le but de promouvoir des mesures souhaitées par le patronat et le gouvernement. Voyons deux exemples récents, dans l’espoir que les acteurs de bonne foi y réfléchiront pour la suite des débats sur les retraites.
Une erreur de bonne foi : le biais de sélection des données européennes
Un exemple récent est le rapport de la Cour des comptes du 10 avril 2025. Elle note qu’en 2022, la France consacre la part la plus importante de son PIB aux retraites dans l’Europe des 27, juste derrière l’Italie. Puis, elle compare la France (13,5% du PIB dans le rapport) et l’Allemagne (9,7%), et conclut que « ce n’est pas la différence de situation démographique qui explique cet écart. Il est lié quasiment à part égale à la différence de richesse entre la France et l’Allemagne (1,9 point de PIB) et à des dépenses de retraite rapportées à la population de plus de 65 ans plus élevées en France (2,2 points de PIB) ».