« On marchait sur du sang »
La conquête de l’Algérie racontée par ses auteurs

Orian Lempereur Castelli, Jean-Baptiste Rivoire

La prise de la Smalah d'Abd el Kader par le duc d'Aumale, le 16 mai 1843 (tableau d'Hippolyte Bellangé DR)

" Histoire d'amour ", ou " guerre génocidaire "? En 2004, le journaliste Algérien Lounis Aggoun avait documenté dans un ouvrage publié par les éditions La Découverte la violence de la conquête de l'Algérie. Entre 1830 et 1849, l'armée Française avait tué près de 700 000 "indigènes", le quart d'une population alors estimée à trois millions d'habitants. Suite aux déclarations d'Emmanuel Macron selon qui l'histoire Franco-Algérienne serait une "histoire d'amour qui a sa part de tragique" et à la dépublication par Le Monde d'une tribune critiquant ces propos, nous re-publions ci dessous un extrait du texte de Lounis Aggoun.

" En 1832, deux ans après le débarquement français en Algérie, une sombre affaire de vol commis par des membres de la tribu des Ouffas provoque la colère du gouverneur d’Alger, le duc de Rovigo, qui vient d’être nommé par la France. En représailles, il lance contre les Ouffas une attaque au cours de laquelle « tout ce qui y vivait fut voué à la mort » : « En revenant de cette funeste expédition, racontera le colonel Pélissier de Reynaud, plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances et une d’elles servit, dit-on, à un horrible festin. »

" Des têtes! apportez des têtes! "

Duc de Rovigo, gouverneur d'Alger (1832)

Simple dérapage d’un colonel français, ou massacre prémédité ? « Des têtes. Apportez des têtes, aurait demandé à l’époque le gouverneur d’Alger. Bouchez les conduites d’eau crevées avec la tête d’un Bédouin que vous rencontrerez. » Bilan, « il y eut douze mille morts chez les Ouffas. On trouva, les jours suivants, bracelets et boucles d’oreilles en abondance au marché algérois de Bab-Azoun. La devise de Rovigo était : “On m’a coupé trois têtes ; si dans 48 heures les coupables ne me sont pas livrés, j’irai chez vous et je prendrai trois cents têtes ; et il tenait parole”. »

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