Fin de la redevance
aux sources de la colère présidentielle (1-42)

Jean-Baptiste Rivoire 

Emmanuel Macron à Alger le 25 aout 2022 (Photo Ludovic MARIN / AFP)

Quand Emmanuel Macron était banquier chez Rothschild (2008-2012) ou secrétaire général adjoint de l'Elysée (2012-2014), des documentaires de France télévisions dénonçant des excès de la mondialisation ou révélant les pratiques contestables de grands oligarques Français l'avaient agacé. En 2015, pour un Cash investigation intitulé "Quand les actionnaires s'en prennent à nos emplois", Elise Lucet lui avait demandé pourquoi le gouvernement subventionnait généreusement de grandes entreprises Françaises délocalisatrices, comme Sanofi. En septembre 2017, un nouveau Cash sur la souffrance au travail avait pointé les pratiques anti-syndicales des centres d'appel de Free, l'opérateur téléphonique de son ami Xavier Niel. Puis Emmanuel Macron avait " pété les plombs " contre un Complément d'enquête (aujourd'hui indisponible) révélant que les photos de son épouse Brigitte, alors âgée de 63 ans, étaient retouchées par Bestimage, l'agence de Michèle Marchand. Furieux, il avait ensuite traité l'audiovisuel public de "honte de la République". Retour aux sources d'une colère présidentielle.

Un soir de novembre 2017, je bois un verre avec Éric Colomer, ancien reporter de Complément d’enquête, sur France 2. La pluie et le vent balaient les terrasses bordant la place qui dessert la sortie du métro Mairie d’Issy. À dix minutes de là, au siège de France Télévisions, c’est la crise, avec l’annonce de réductions d’effectifs dans l’information. Éric reçoit un texto d’une copine d’Envoyé spécial : « On y est : ils viennent de nous annoncer le démantèlement des magazines. Les CDI sont sommés de remonter aux JT [journaux télévisés]. Fin des CDD en juin. Il restera quatre personnes à Envoyé spécial et deux à Complément d’enquête. Le reste ? Achats extérieurs. […] C’est la fin des magazines du service public. »

Mon confrère est abasourdi. François Hollande avait déjà laissé torpiller l’investigation sur Canal Plus. Son ancien bras droit à l’Élysée, Emmanuel Macron, va-t-il l’anéantir dans son dernier bastion, le service public ? « Tu te rends compte, à France Télé, les magazines, c’est seulement 6 % du budget de l’information. » Même stupeur chez cette journaliste d’Envoyé spécial qui fait les comptes pour un article de Télérama: « L’État réclame une économie de 50 millions d’euros sur 3 milliards, ce qui fait une baisse de budget d’environ 1,7 %. Avec ce plan, 66 % des économies à concéder reposeraient sur les magazines d’information ! » Pour comprendre ce qui se trame en coulisses en cet automne 2017, il faut revenir quelques mois en arrière.

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