La trahison
Quand Macron infiltrait Le Monde pour le compte des Sarkozystes (16-42)

Jean-Baptiste Rivoire 

En 2010, depuis la banque Rothschild, Emmanuel Macron tenta avec Alain Minc, alors conseiller de Nicolas Sarkozy, de faire tomber Le Monde dans l'escarcelle d'actionnaires favorables à l'Élysée (photo DR)

A l'approche de la présidentielle de 2012, dans l'espoir d'être reconduit à l'Élysée, Nicolas Sarkozy entreprend de mieux contrôler la presse. Pour éviter que Le Monde, alors en difficulté, ne soit racheté par Xavier Niel, Pierre Bergé et Mathieu Pigasse, Il tente de faire tomber l'influent quotidien dans l'escarcelle d'actionnaires plus favorables. A la manoeuvre : son conseiller Alain Minc et un jeune banquier de Rothschild & co avançant masqué : Emmanuel Macron.

Début 2021, Lucile Berland décryptait dans un épisode de notre série documentaire " Emmanuel, un homme d'affaires à l'Elysée " le double jeu d'Emmanuel Macron dans la bataille du Monde.

En janvier 2009, Nicolas Sarkozy organise à l’Élysée des « États généraux de la presse écrite ». Devant des directeurs de journaux dont la plupart ont pour patron ses amis oligarques, il propose des mesures qui vont accentuer les travers d’une presse française malade, trop dépendante des annonceurs et du pouvoir politique. Alors qu’elle est déjà parmi les plus subventionnées du monde, le président de la République annonce que les crédits publics destinés à la presse écrite française vont augmenter de… 51 % en 2010 ! Soit 420 millions d’euros de crédits de paiement contre 277 millions en 2009. En tout, 600 millions d’argent public promis avant la présidentielle de 2012 ! « La France aura explosé son propre record de la presse la plus subventionnée, avec un niveau d’aide publique par lecteur cinq fois supérieur à celui de la Suède, par exemple, mais un taux de lectorat trois fois moindre », observe Fréderic Filloux, analyste des médias.
Avec seulement 60 millions d’euros sur trois ans, la presse numérique (Mediapart, Arrêt sur images…) reste le parent pauvre de cette politique de Nicolas Sarkozy consistant à aider toujours plus ses amis propriétaires de journaux pour qu’ils protègent toujours mieux son pouvoir.
Bien que profitant largement lui aussi des aides publiques à la presse, Le Monde s’efforce de maintenir une distance critique à l’égard de l’Élysée. En 2008, quand Nicolas Sarkozy tente d’inciter son directeur, Éric Fottorino, à accepter un rachat par le groupe Lagardère, celui-ci refuse. Mais à force de défendre son indépendance vis-à-vis du clan présidentiel, le quotidien du soir va subir des pressions.

Vincent Bolloré se braque contre Le Monde

Mi-2009, Vincent Bolloré, qui sous-traite l’impression de son quotidien gratuit Matin Plus à l’imprimerie du Monde à Ivry, décide de changer de prestataire. Les publicitaires se plaindraient de la « mauvaise impression du journal ». Mais quand Fottorino propose de régler ce problème technique, Bolloré refuse net. En coulisses, les relations entre les deux groupes s’étaient dégradées depuis 2007, date à laquelle des cadres du Monde ou de Courrier international avaient révélé que Matin Plus avait censuré un article embarrassant pour Nicolas Sarkozy.

"Quand on est chef d’une nation démocratique, tout n’est pas permis"

Éditorial d'Éric Fottorino après que Nicolas Sarkozy ait tenté de faire élire son fils Jean à la tête de la Défense

Fin 2009, un éditorial du Monde accentue les tensions avec le président de la République. À l’époque, il envisage de faire élire son fils aîné, Jean, à la tête de l’Établissement public d’aménagement de la Défense (EPAD). Problème : le fiston n’a que 23 ans, aucun diplôme et l’intention présidentielle déclenche une hilarité planétaire. En Chine, la chaîne CCTV s’étonne que le très jeune homme se voie confier le « plus vaste projet d’Europe ». Au Burkina Faso, Le Pays rigole que l’Afrique n’ait « plus l’exclusivité des fils de président qui ont de l’ambition à revendre ». À Londres, le Daily Telegraph compare Jean Sarkozy à Alexandre le Grand, Cléopâtre ou Mozart. Et dans Le Monde, Éric Fottorino signe un édito critique : « Ce qui sidère, c’est moins l’appétit du fils que le laisser-faire du père. Quand on est chef d’une nation démocratique, tout n’est pas permis. Ce n’est écrit dans aucun manuel, mais il est des choses qu’on ne fait pas, qu’on ne s’autorise pas. »

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