Jean-Baptiste Rivoire
Dans sa course à l'Elysée, Nicolas Sarkozy se heurte constamment aux moqueries des Guignols de l'info. Pilier incontournable de la petite poignée d'auteurs des célèbres marionnettes de Canal + : Bruno Gaccio. Fils d'un maçon Italien, " dealer " à Saint Etienne dans sa jeunesse, le beau gosse de Canal + a très tôt pris en grippe Nicolas Sarkozy, dont il exécre la démagogie populiste. Protégé par Alain De Greef, Gaccio va devenir la bête noire du candidat UMP à la présidentielle de 2007...
En ce 17 septembre 1997, sur le plateau de Nulle part ailleurs, Bruno Gaccio est chargé de dresser le portrait de l’invité de Guillaume Durand. Malgré l’échec de son mentor Édouard Balladur en 1995, Nicolas Sarkozy tente un retour en politique. Il ne va pas être déçu. Pendant de longues minutes, l’auteur phare des Guignols de l’info fait marrer le public en le qualifiant de « traître » (pour avoir trahi Chirac en 1995), de « poissard en politique » (parce qu’il choisirait toujours le mauvais cheval), en lui demandant « comment on peut être jeune et balladurien »… Bref, il tape fort. « Personne ne s’attendait à cette chronique de Gaccio, confiera Pierre Lescure, alors président de Canal Plus. Nicolas Sarkozy était reparti furieux. En sortant, il a piqué une crise. On savait qu’il nous en voudrait jusqu’à la dernière génération. Il répétait que c’était inadmissible. »
" Bravo d'avoir osé ! "
Alain De Greef félicitant Bruno Gaccio de s'être moqué de Nicolas Sarkozy
Mais en coulisses, Alain de Greef, le directeur des programmes de la chaîne, savoure, lui, le culot de son poulain. Gaccio le raconte : « Je sors du plateau, je m’engage dans un couloir, tous les techniciens me disaient : “ Bravo d’avoir osé ! ” Et là, j’arrive à une porte battante derrière laquelle m’attendait Alain de Greef. Je me suis dit que j’allais me faire engueuler, car j’y avais vraiment été fort. De Greef me regarde et me dit : “Parfait, il manquait juste un sourire”! » Alain de Greef, ancien de l’ORTF et d’Antenne 2, avait appris à détester le journalisme servile. Il est une pièce maîtresse de l’indépendance éditoriale de Canal Plus. Dans les années 1990, il encourage les Guignols de l'info à " cogner ", les protège contre Pierre Lescure et la fureur des politiques.
Canal Plus sous pression ?
Depuis les années 1990, tous les soirs à 19h55, les très impertinentes marionnettes en latex de Canal + prennent l'antenne pour 7 minutes d'humour politique. Regardés par près de 3 millions de téléspectateurs, les " meilleurs éditorialistes de France ", décryptent implacablement l'actualité, les stratégies de communication des puissants, les manoeuvres des grandes entreprises et des politiques.
En 2002, quand Pierre Lescure, patron emblématique de Canal Plus, est viré par le numéro un de l’actionnaire majoritaire Vivendi, Jean-Marie Messier, proche d’Édouard Balladur, les salariés de la chaîne cryptée envahissent le CSA (le conseil supérieur de l’audiovisuel) pour réclamer des gages d’indépendance éditoriale.