« Élise Lucet m’a radicalisé »
France Télévisions en travers de la mondialisation (2-42)

Jean-Baptiste Rivoire

Le 10 octobre 2017 à Nantes, manifestation contre un projet gouvernemental de supprimer 120 000 fonctionnaires (photo Loic Venance/AFP)

En décembre 2017, après que Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, ait échoué à externaliser les magazines d'information Envoyé Spécial et Compléments d'enquête, Emmanuel Macron qualifie l'audiovisuel public de " honte de la République " Quelques semaines plus tard, interviewé par Laurent Delahousse, il laisse entendre que " les chaînes privées font aussi bien le job ". En réalité, depuis le début du quinquennat Hollande, France Télévisions a diffusé de remarquables enquêtes pointant des excès de la mondialisation ultra-libérale, ou les pratiques contestables de plusieurs grands propriétaires de presse soutenant Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron.

Une honte, vraiment , l'audiovisuel public? Prenons l’exemple d’Elice Lucet, figure emblématique de France Télévision et patronne d’Envoyé spécial et de Cash investigation. Son bureau est à des années-lumière des dorures de l’Élysée. Sur un rayonnage, on peut voir une photo de jeunes manifestants nantais, de noir vêtus et les visages dissimulés, posant derrière une banderole « Élise m’a radicalisé ». Depuis le lancement de Cash investigation en 2011, la journaliste s’évertue à percer pour le grand public les secrets du « monde merveilleux des affaires », dit-elle ironiquement. Elle décrypte les stratégies contestables de multinationales et les complaisances politiques dont elles jouissent. Jusqu’à la création de Cash, cette critique des effets pervers de la mondialisation était presque taboue à la télévision. Elle l’est toujours sur les chaînes privées.

Houspillant sur France 2 poids lourds de la finance et patrons du CAC 40, Élise Lucet a la cote chez les téléspectateurs, surtout les plus jeunes. Pour chaque numéro de Cash investigation, Premières Lignes Télévisions, la société de production créée par Paul Moreira et Luc Hermann après que Canal Plus a supprimé leur 90 Minutes en 2006, fournit de longues enquêtes fouillées, rigoureuses et souvent accablantes. Des millions de Français ont pris l’habitude de les regarder, majoritairement en replay. On peut citer pêle-mêle : « Les vendeurs de maladies », sur les stratégies des laboratoires pharmaceutiques pour inciter à consommer toujours plus de médicaments inutiles, voire dangereux ; « Paradis fiscaux, les petits secrets des grandes entreprises », sur la tendance des multinationales à frauder le fisc ; « Diesel, la dangereuse exception française », ou comment la France, sous Nicolas Sarkozy, a encouragé fiscalement le diesel jusqu’à ce qu’il représente 80 % des achats de véhicules, rendant l’air de nos villes irrespirables ; « Industries agro-alimentaires : business contre santé », sur les réticences des industriels de la malbouffe à informer clairement les consommateurs sur la composition de leurs produits. Et la liste est longue.

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