Autoroute A69
L’extrême droite contre l’environnement ?

Des opposants à l'autoroute A69 font face à des gendarmes
Protesters stand off with police at the site of an ongoing protest against the A69 autoroute at the 'zone to be defended' (ZAD) camp in Saix, near Castres, on March 1, 2024. (Photo by Ed JONES / AFP)

Parmi les défenseurs acharnés de l'autoroute A69, qui doit relier Castres à Toulouse en privatisant partiellement une route nationale, des responsables liés aux laboratoires Pierre Fabre, mais aussi des notables locaux historiquement liés à l’extrême droite. Enquête. 

En octobre dernier, la couverture médiatique de l’A69 acte la défaite du camp pro-autoroute dans la bataille des idées. Dans le même temps, la presse met en lumière le rôle historique du laboratoire Pierre Fabre dans le projet. Conséquence logique de l’inversion du rapport de force : plusieurs défenseurs du labo pharmaceutique montrent les crocs. C’est le cas notamment de Bernard Carayon, conseiller régional Les Républicains d’Occitanie et maire de Lavaur. C’est aussi le cas de Pierre Archet, directeur de l’hebdomadaire local Le Journal d’Ici

Le 26 octobre dernier, Pierre Archet ouvre le bal par un édito assassin. Quatre jours plus tôt, un week-end de mobilisation contre le projet avait rassemblé entre 5 000 et 10 000 personnes à Saïx, sur le tracé de la future autoroute. Dans la foulée, l'éditorialiste met en cause l’autorisation de cette manifestation : « A se demander encore une fois où est passé le fameux État de droit ». Il parle de « guérilleros » et d’ « écoterroristes », qu’il compare... au Hamas. Précision utile : Le Journal d’Ici est édité par Tarn Médias, qui appartient au groupe Pierre Fabre SA. Sud Radio, Le Spectacle du monde et Valeurs actuelles ont aussi été possédés par le groupe.

Ces acquisitions de journaux ont été réalisées par Pierre-Yves Revol, actuel président de la Fondation Fabre, à qui, comme le rappellait Le Monde en 2013, Pierre Fabre « avait confié de longue date la responsabilité de ses diversifications dans les médias »

Le 1er novembre dernier, Bernard Carayon signe une tribune dans Le Figaro, en tant que maire de Lavaur (Tarn). Passant alors sous silence son mandat de conseiller régional, il accuse les opposants à l'A69 d'être des « privilégiés des métropoles, bobos pacsés à l’ultra-gauche », qui regardent les gens de la campagne comme « des ploucs méconnaissant les enjeux climatiques ». Il conclut par un avertissement martial : « Les pieds dans la glaise, je dis aux rouges/verts : no pasaran ».

Bernard Carayon, un élu de la République au service... d’intérêts privés ? 

Député du Tarn, Beranrd Carayon s'est fait connaître très tôt par son empressement à défendre les intérêts des multinationales. Dès 2012, il portait leur revendication d'instaurer un "secret des affaires" préjudiciable à la liberté d'information. Cette année là, l'Assemblée nationale adopte sa proposition de loi qui instaure un délit de « violation du secret des affaires ». Ce sera désormais amende et prison pour qui divulgue une « information protégée relevant du secret des affaires à une personne non autorisée à en avoir connaissance, sans autorisation de l’entreprise »

Dès lors, tout journaliste qui révèlerait par exemple les pratiques douteuses d’une société, pourrait voir sa responsabilité pénale engagée. Il deviendrait alors risqué pour la presse de mener des investigations. Les entreprises et leurs dirigeants, eux, bénéficieraient d’une opacité propice aux malversations. 

Adoptée à l’Assemblée, cette proposition ne sera jamais mise à l’ordre du jour du Sénat. Toutefois, elle infusera et réapparaîtra quelques années plus tard, dans un projet de loi d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie. Face à l’opposition des journalistes, qui estiment que « le gouvernement est en train d’élaborer un fourre-tout législatif dont la liberté d’informer sortira inévitablement perdante », ce dernier recule

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